CORRESPONDANCE CHOISIE AVEC SES AMIS…
AMIS, AUTEURS ET CRITIQUES
Artinian, Artine 1945-1976, 26 lettres
Bruchési, Jean, 1930-1951, 11 lettres
Choquette, Robert, 1931-1933, 4 lettres
Clough, Wilson O, 1947, 3 lettres
Crane, Helen, 1947-1976. 16 lettres
Douville, Raymond, 1937-1953, 5 lettres
Frémont, Donatien, 1931, 1 lettre
Gay, Paul, 1950, 1 lettre
Gingras, Paul, 1952, 1 lettre
Grignon, Claude-Henri, 1931-1932, 8 lettres
Harvey, Jean-Charles, 1929-1932, 6 lettres
Hébert, Maurice, 1932, 1 lettre
Marcotte, Gilles, 1951, 1 lettre
Melançon, J.-M. 1931-1932, 3 lettres
Nadeau, Gabriel, 1945, 1 lettre
Pearce, T.M., 1945, 2 lettres
Roy, Marie-Anna, 1965-1974, 13 lettres
Sénécal, Éva, 1932, 1 lettre
26 Lettres à Artine Artinian
Lettre 1
FHB 298/011/007
Le 19 avril 1945
Cher docteur Artinian,
Je vous remercie sincèrement de votre article sur Maupassant, que j’ai lu avec grand plaisir. Je l’ai seulement trouvé trop court. Il faudra revenir sur le sujet.
Sauf imprévu, je serai à New York sous peu, dans deux trois semaines. Est-ce qu’il sera possible de vous y voir? Voulez-vous au plus tôt me laisser savoir comment vous atteindre par téléphone : me donner votre numéro, échange local, etc.
Je vous écrirai de nouveau, vous avisant de la date probable de mon arrivée. Je descendrai probablement au vieil hôtel de Claridge, 7e avenue, où j’ai un ami parmi le personnel – un ancien de Saint-Hyacinthe. À tout événement, vous pourrez toujours savoir où je suis en vous adressant à la Fondation Rockfeller, M. John Marshall, division des humanités.
Je vous quitte sur ce. Mes meilleures amitiés.
Lettre 2
FHB 298/011/007
Le 30 avril 1945
Mon cher Dr Artinian,
Si vous venez au Canada en mai, il faudra me le laisser savoir. Ou vous vous rendrez jusqu’à Saint-Hyacinthe – une heure de Montréal –, ou je verrai à vous rencontrer à Montréal.
Il est probable que mon voyage à New York sera retardé, de sorte que vous viendrez peut-être à Montréal avant que je me rendre à New York. J’attends pour partir de la documentation qui n’arrive plus.
À tout événement, je vous avertirai à temps, si je pars le premier. Mais j’ignorais que Bard fût à 100 milles de New York. Je ne voudrais tout de même pas vous causer de trop graves inconvénients.
Sincèrement à vous,
Lettre 3
FHB 298/011/007
Le 10 août 1945
Mon cher docteur,
Je m’excuse d’avoir tant tardé à vous écrire. J’ai reçu votre livre au moment où je partais pour des vacances assez longues, nécessitées par un peu de surmenage. Je l’ai apporté avec moi en pleine forêt, où j’ai commencé de le lire. J’ai continué depuis avec le plaisir que vous imaginez, connaissant mon culte pour Maupassant, que je goûte assez peu comme philosophe, mais infiniment comme écrivain. Il y a déjà une dizaine de jours que je suis de retour, mais mon bureau était dans un tel état que je viens seulement d’y voir clair.
Je ne saurais vous dire le plaisir que vous m’avez fait en m’adressant votre livre, qui m’apprend ou me rappelle tant de choses. La bibliographie m’intéresse en particulier, encore plus, si j’ose dire, que les témoignages d’écrivains contemporains. Plusieurs de ceux-ci, à mon sens, ne se sont pas mis martel en tête pour répondre à vos questions. Chez les Français surtout. Mais les témoignages américains et allemands sont à plusieurs égards révélateurs.
Avez-vous pu vous procurer copies de ces thèses sur Maupassant, que je vous avais signalées à l’Université Tulane? Je me demande ce qu’on trouverait encore dans les autres universités, en faisant enquête?
Je ne peux encore vous offrir mon livre sur le régionalisme du roman américain, mais cela viendra, avec le temps. J’ai si peu de loisirs pour travailler. Vous voudrez bien me rappeler au souvenir de Mme Artinian.
Cordialement à vous,
Lettre 4
FHB 298/011/007
Le 1er octobre 1945
Dr Artine Artinian
Bard College
Annadale-on-Hudson
Mon cher docteur,
Je m’excuse de n’avoir pas répondu plus tôt à votre dernière. Elle m’arrivait comme je partais pour les forêts du nord et il m’a fallu, à mon retour, remettre toutes choses en ordre autour de moi.
Je vous remercie de votre appréciation de mon article dans Confidences. Il paraît se mieux tenir que d’autres, parce que j’ai tenu à le construire en le motivant, au lieu de répondre à bâtons rompus à quelques questions.
Depuis que je vous ai écrire, j’ai lu d’un bout à l’autre, de la première ligne à la dernière, votre ouvrage sur Maupassant. Je répète qu’il m’a énormément intéressé. Vous y avez mis énormément de clarté et de logique, et une foule de précisions qui complètent les meilleurs ouvrages français. Il faudra nécessairement revenir à ce livre, pour traiter sérieusement de Maupassant, et vous pouvez vous dire assuré d’une place d’honneur dans ma bibliothèque. Votre bibliographie est un outil incomparable de travail. Elle m’a révélé en particulier certains ouvrages américains que j’ignorais, et qu’il me faudra me procurer. Elle me confirme dans cette idée, déjà fort sacrée chez moi, qu’il y a beaucoup plus de culture aux États-Unis qu’on ne le soupçonne généralement chez nous.
J’ai au complet les Pamphlets de Valdombre. Je puis vous en adresser quelques-uns, s’ils vous intéressent. Valdombre a énormément de talent naturel. Mais c’est une espèce d’autodidacte, qui a peu de formation été qui, à mon sens, a peu de critères. Il s’est fait chez nous une réputation par la violence, s’inspirant de Léon Bloy et affectant de l’imiter. Il est un « moitrinaire », comme dirait Léon Daudet, qui croit qu’une chose est vraie parce que lui l’a affirmée. Dans les milieux sérieux, on ne le gobe pas outre mesure. Sous l’angle politique, il est farouche dans ses jugements artistiques. Son principal ouvrage, Un homme et son péché, est une longue nouvelle plutôt qu’un roman, assez mal composé et qui pourrait être mieux écrit. L’auteur l’a exploité de toutes façons, faisant des conférences sur la genèse de l’œuvre et sur lui-même, le délayant ensuite à la TSF, de la façon que vous savez. Il a réalisé ainsi beaucoup d’argent, devient riche et plus outrecuidant que jamais. J’ai l’impression qu’il ne fera plus rien. Il a abandonné la publication des Pamphlets, ne publie plus de livres, se contemple le nombril et croit y voir le centre du monde. Ceci entre nous, mais je vous donne mon impression franche. Il y a d’ailleurs dans Un homme et son péché tant de choses qui m’intriguent. Pour vous expliquer, je vous adresse un article que j’ai commis en 1942. Si violent et si chatouilleux qu’il soit, Valdombre a fait le mort après sa publication. Si cela vous intéresse, gardez l’article; j’ai ici le double.
Des livraisons spéciales de S.R. of L., j’ai celles qui traitent des « Old South » et « Deep South ». Les autres m’intéresseraient sûrement. Je vous promets de vous les retourner, mais cela prendra du temps. Il me faudra plusieurs mois avant que je puisse les utiliser à bon escient. Si cependant vous croyez en avoir besoin à un certain moment, vous n’aurez qu’à m’en avertir.
Ma thèse languit de ce temps. Je n’ai pas pu encore m’y remettre. Il me faut auparavant terminer un ouvrage de vulgarisation scientifique, – pour les enfants – que mon éditeur réclame. Je n’en finis plus.
Et à quand votre prochain ouvrage sur Maupassant? Je l’attends. Et je vous promets un article dans mes divers journaux, tirage global de 100 ou 150 000 exemplaires. Cela pourrait vous faire connaître un peu, dans nos milieux.
Sincèrement,
Lettre 5
FHB 298/011/007
October 28, 1945
Dr. Artine Artinian
Bard College
Annadale-on-Hudson
Dear Dr. Artinian,
I cannot tell you how delighted I am to have those special issues of the S.R.L. They will be of a great help and I thank you sincerely. Excuse me for not acknowledging receipt sooner, but you know things are around here. In the early spring, I am publishing a series of five nature booklets for children, 64 pages each, on botany and mineralogy. Presently, I am finishing the fifth one. At the same time, about April next, reimpression of a first series of booklets, dealing with Canadian animals. Needless to say that I am kept busy, As soon as I am through with this, it will be the American novel.
I have no duplicates of the Valdombre on hand, but will find some and send them to you in the early future. Be patient and you will have them.
Have you started work on your new book about Maupassant?
Sincerely yours,
Lettre 6
FHB 298/011/007
Le 7 février 1947
Mon cher docteur Artinian,
Je ne vous écris guère, mais veuillez croire que je ne vous oublie pas pour autant. Je travaille le jour et le soir, la semaine et le dimanche, de sorte que j’ai très peu de loisirs.
Mon livre avance toujours, mais c’est un travail de bénédictin. Deux et trois heures pour chaque page. Je travaille de ce temps sur le nord-ouest et je m’aperçois qu’il me manque certaines choses pour quelques États, entre autres le Wyoming, le Montana et l’Idaho. Pourriez-vous me donner un coup de main? J’ai déjà pas mal de documentation, mais je voudrais comparer avec le résultat de mes propres lectures et certains textes que j’ai dans mes cartons.
Vous serait-il possible de faire copier pour moi, dans le Book Digest Review, les résumés d’ouvrages dont je vous donne la liste sur feuillet détaché? Il va sans dire que j’encours les frais. Employez quelque jeune à faire pour moi ce travail et n’hésitez pas à me faire tenir facture.
Vous avez fait un beau voyage? Le ton de votre mot, daté de Paris, disait assez votre plaisir. Vous êtes un heureux homme. Quand revenez-vous dans notre pays? J’aimerais bien causer longuement avec vous.
Hors un court voyage à Boston en 1944, je ne suis pas retourné aux États-Unis depuis mon grand voyage. Je n’ai pas le temps. Je suis débordé de toutes parts. Je vous adresserai bientôt un petit roman, que je viens de rééditer. Du régionalisme à ma manière.
Je vous remercie d’avance de votre aide. Et me rappelez au souvenir de Mme Artinian.
Sincèrement vôtre,
[Liste des livres – voir demande dans la lettre]
Elizabeth Page, Wild Horses and Gold (1936), Wyoming
Caroline Lockhart, Old West and New (1933), Wyoming
Irm Stephens Nelson, On sarpy Creek (1936), Montana
Agnes K. Getty, Blue Gold (1934), Montana
George Snell, The Great Adam (1934), Idaho
Lettre 7
FHB 298/011/007
Le 4 avril 1947
Mon cher docteur,
Je reçois vos documents et je vous en remercie sincèrement. Avec ceux que je viens de recevoir aussi de l’ouest, et ceux que j’attends encore, j’aurai à peu près de ce qu’il me faut, et qui me manquait encore. Je vous inclus de quoi dédommager votre aide, et vous prie de lui transmettre à lui aussi, ou à elle, mes remerciements.
J’espère que votre santé est maintenant rétablie et que tout va bien. Et je compte bien vous voir au cours de la belle saison. Quand venez-vous au Canada, selon votre louable habitude. Je serais très heureux de causer un peu longuement avec vous, de littérature et de Paris. Je ne sais si j’aurai moi-même l’occasion de me rendre aux États-Unis. Je le voudrais bien, mais je ne puis quitter le bureau. Un journal, c’est la chose la plus terrible qui soit. Je n’ai pas d’adjoint capable de me remplacer trois jours; j’en cherche un, je ne trouve pas. Il y a au pays une grande rareté de journalistes.
Enfin, j’ai terminé ma thèse, ou à peu près. Il me reste à faire trois pages environ, à propos du nord-ouest. Depuis quelques semaines déjà, je m’amuse à relire et corriger. Il me reste à dresser la bibliographie et la table alphabétique, et à rédiger une introduction de trois ou quatre pages. Je ne croyais pas finir si tôt, mais j’ai mis les bouchées doubles depuis l’automne dernier. Je me suis attelé à la besogne comme un bénédictin, le jour et le soir, chaque fois que j’avais un moment. J’ai un texte de 100 à 125 000 mots, dont je suis assez content, mais non parfaitement content. Je ne vois pas la possibilité d’être jamais satisfait entièrement. Enfin, je crois que je vais risquer le coup, sans pousser plus loin. Autrement, je n’en finirais jamais. Il y a sans doute çà et là des lacunes, mais j’ai essayé de donner une idée du roman régionaliste dans les 48 États américains. Vous admettrez que c’est là un sujet. J’espère pouvoir soumettre le tout à l’Université de Montréal, à l’automne.
I am still having trouble with my Wyoming novels. Books I have tried to buy in New York are not coming. Other information I have also asked for is not coming either. And this is delaying my work.
At the University Library, is there a complete collection of the Book Review Digest? In the affirmative, could you have some one copy for me all information contained about the following novels:
Elizabeth Page: Wild Horses and Gold (1936)
Albert K Smith : Paul Bartley (1936)
Wm. F. Bragg: Starr of Wyoming (1935)
Ida Geneva McPherren: Trail’s End (1938)
This, with the information I already have on hand, would be of much help, pending the arrival of the books ordered. I would, of course, pay all expenses incurred. Any student may do this work in a couple of hours.
I am sorry to trouble you with such requests. But ma position here is very peculiar. I have no large Library at my disposal, and none that can help me in American matters. I must depend on my own Library and the research work I have done in 1943 throughout the United States. I have then worked in about 50 libraries, in 22 States, and brought back a wealth of material. But still, now and then, something is lacking. Thence a large correspondence with known and unknown friends, who have always been understanding and very obliging.
Je vous remercie d’avance de votre amabilité.
Sincèrement à vous,
Lettre 8
FHB 298/011/008
Le 27 mars 1948
Mon cher docteur Artinian,
Très honoré de votre offre, je vous en remercie sincèrement, mais je ne crois pas pouvoir l’accepter. Je ne puis songer à me déplacer pour l’instant, vu le haut coût de la vie, la difficulté de se loger, les charges de famille que j’ai encore. J’avoue que j’ai mieux où je suis, comme traitement, et l’on m’a fait entrevoir $ 5 000 à l’Université de Montréal, ce que je ne peux même pas envisager – étant donné tous les ennuis de l’époque. Je vous remercie quand même et vous sais gré de votre amabilité.
Il va sans dire que je suis très heureux d’avoir fini. Mais je ne m’habitue pas au titre. Il est vrai qu’il est peu employé, dans nos milieux canadiens-français. L’ouvrage est prêt pour publication, Il ne paraîtra cependant qu’à l’automne, car je ne veux pas le lancer pendant la saison morte. Vous pouvez être assuré qu’il y aura un exemplaire pour vous.
L’ouvrage est loin d’être complet, mais j’ai essayé de donner une idée de l’ampleur du mouvement régionaliste, dans le roman des 48 États américains. Même en résumant comme je l’ai fait, j’ai près de 400 pages de textes, y compris bibliographie et tables alphabétiques. C’est vous dire l’ampleur du sujet.
J’ai hâte d’avoir votre impression sur les trois chapitres que je vous ai adressés. Ils vont donnent à peu près l’essentiel du livre. Le reste est de la démonstration – pour les régions et chacun des États. Si à l’occasion vous découvrez des sottises dans les pages que vous avez en main, n’hésitez pas à me les signaler. Certaines choses ont pu m’échapper. Et il est encore temps de corriger sur les épreuves.
Je vois que vous avez été vous-même l’objet d’honneurs particuliers. Je vous félicite sincèrement. J’ai hâte de vous voir à Saint-Hyacinthe, où vous serez très bienvenu. Je ne voyage pas moi-même. Je n’ai pas le temps et, de ce temps, je n’ai pas le sou. Il va me falloir quelque temps pour me refaire; les frais d’université ont vidé mes poches.
Mes meilleures amitiés,
Lettre 9
FHB 298/043/002
September 26, 1949
Dear Dr. Artinian,
I am very happy with the good news and I do not envy you. No that I would not enjoy staying in France for nine months, but it is not in my nature to be jealous and I congratulate you heartily. You are indeed lucky and I am sure that your work over there will be of value for all of us. Still about Maupassant, I suppose? I have not heard from Steegmuller and I hope he will not forget me. As you know, I am much interested and I certainly will give him an article in my chain of papers.
My first impression was that I wanted nothing in France. On second thought, it is not so. I am much in need of a good Spanish-French and French-Spanish dictionary. Do you think that you could locate one for me in Paris? There is nothing in Montreal, except the small Larousse affair, which I have bought and which is no good. Child’s play. What I want is a good work which not only gives flat translation, but locutions, gallicisms, different senses of words, something like Elwall’s dictionary for French and English. What do I want to pay? I do not want a monument that would cost $ 25 or $ 50, but I imagine that, at the current rate of exchange, I could find what I need for $5 or $ 6 (dollar) more or less would be no objection. I leave that to your good judgement.
Spanish is my last hobby. I have been learning the language for about six months. I can read fairly well, write a little with much pains and talk with more pains. For a little more than three months, I worked four hours a day with grammar and dictionary. I am getting along.
Thanks for your offer of service and have a good time over there. My regards to Mrs Artinian, and I hope to see you in St. Hyacinthe before the end of the world, once you are through with your European ramblings.
Sincerely yours,
P.S.: Do not forget to send me your address in France. Is this letter unclear?
Lettre 10
FHB 298/043/002
Le 9 décembre 1949
Mon cher ami,
Je vous remercie sincèrement de vos bons souhaits et vous adresse les miens, qui devraient vous arriver vers la Noël. Vous êtes bien heureux d’être à Paris et, sans vous envier, je ne suis pas sans vous jalouser un peu. J’espère que vous vous plaisez là-bas et que vous nous rapporterez des monceaux d’inédits sur Maupassant. Finirez-vous par mettre la main sur toutes les lettres inédites dont vous m’avez parlé à maintes reprises?
Ce que je veux, s’il est possible : un bon dictionnaire espagnol-français et français-espagnol. La seconde partie m’intéresse surtout : français-espagnol. Je veux un dictionnaire qui, tout en me donnant la traduction littérale des mots, me donne aussi es divers sens des mots, et aussi les locutions, gallicismes, tournures diverses, etc. Je veux, en somme, ce qu’il y a de mieux en la matière.
Ici, il n’y a rien. J’ai le petit dictionnaire Larousse, espagnol-français, etc., mais il ne vaut à peu près rien. En espagnol-anglais, j’ai beaucoup mieux, mais cela ne répond pas aux problèmes qui se posent en français. C’est étonnant comme je commence à me débrouiller en espagnol, au point de lire les revues courantes et d’écrire des lettres, non sans quelques difficultés.
L’ouvrage désiré peut coûter assez cher, mais j’imagine que cinq dollars américains suffiront. S’il faut un peu plus, allez-y. Faites pour le mieux, comme si vous achetiez pour vous un bon instrument de travail. Dès que vous saurez le prix, faites-le-moi savoir et je vous adresserai le montant sans tarder. Car j’imagine que vous avez besoin là-bas de vos fonds, et je ne voudrais aucunement vous ennuyer. Je vous remercie de vos bons offices et j’attends de vos nouvelles. SVP me rappeler au souvenir de Mme Artinian.
Meilleurs amitiés,
Lettre 11
FHB 298/043/002
Le 1er janvier 1951
Mon cher ami,
Bonne et heureuse année! Et vous êtes privilégié de la commencer à Paris. Je commence à vous envier sérieusement et je crois que j’irais sous rejoindre si j’avais le temps et les fonds. J’aimerais me rendre avec vous chez M. Maynial, m’asseoir et ne rien dire, pendant que vous évoqueriez vos grands hommes. Quand vous verrez monsieur Maynial, ne manquez pas de me rappeler à son bon souvenir, et lui redire le plaisir que j’ai eu à faire sa connaissance.
À Paris, j’aurais besoin d’un tas de choses, de livres surtout, et cela me gêne un peu de vous imposer mes commissions. J’indique toutefois quelques titres au dos de la présente. Si vous êtes sur la rive gauche, comme il est probable, vous devriez les dénicher sans beaucoup de difficultés. Neufs ou d’occasion, comme cela se présentera.
Et à votre retour, vous me direz ce que vous avez fait là-bas, les nouvelles de votre éditeur, le succès obtenu par la Correspondance, ce qu’il advient de l’ouvrage à paraître.
Je m’excuse de vous écrire peu, de façon générale. Je n’ai pas le temps. Mais, puisque j’y suis, je vous dis où j’en suis de mes travaux. J’ai en manuscrit un nouveau roman, totalement terminé, sur la forêt et le travail des explorations forestières à notre époque. Trois cents pages ou un peu plus, imprimées; 120 de plus, en manuscrit que Les Jours sont longs. Sauf erreur, il s’intitulera Une autre année sera meilleure. J’ai aussi en main de quoi faire un volume d’études sur la vie en forêt, les animaux sauvages, etc. Je cherche pour l’instant des éditeurs. Difficile, ici comme ailleurs. Les frais sont très élevés, et les éditeurs se montrent très circonspects. Dans l’entre-temps, je travaille à un autre roman, une espèce d’étude psychologique qui me donne beaucoup de mal. J’en termine le premier tiers.
Il faut que vous soyez à Paris, et que ce soit le Jour de l’an, pour que je vous écrive ces choses. Je prends une sorte de congé, après la messe de ce matin, et je vous le consacre en partie.
Portez-vous bien et employez de même votre temps. Allez voir pour moi Notre-Dame et l’Île Saint-Louis, peut-être aussi la place des Vosges, où j’espère que l’on a rouvert le musée Victor Hugo. Parce que j’étais à Paris en maidernier, oon l’avait fermé. Pour réparations, mais fermé quand même.
Sincèrement,
Dans la collection Aspects de la France :
Marcel Aubert, Environs de Paris
Pierre Morel, Fontainebleau
Dans la collection Châteaux, décors de l’Histoire (Calman-Levy)
Jacques Boulenger, Les Tuileries sous le Second Empire
Pierre d’Espezel : Le Palais royal
Jean Bourguignon : Le château de Malmaison
Aussi, si vous le trouvez, l’ouvrage de Maurienne, Maupassant est-il mort fou? et un ouvrage de quelque valeur, illustré si possible, sur Montmartre. En ce qui concerne ce dernier, je me fie à votre goût et à votre science.
Lettre 12
FHB 298/043/002
Le 11 juin 1951
Mon cher ami,
J’ai été à Paris et je suis revenu. Un voyage parfait en tous points. J’ai vu beaucoup de choses, même de celles qui ne sont pas à la portée de tous, comme les petits appartements de Versailles et l’hôtel particulier de Mme du Barry, l’hôtel de Lauzun, etc. J’ai tiré mes ficelles, comme un journaliste doit faire, et j’ai des souvenirs qui ne sont pas communs à tous les touristes.
Il va sans dire que j’ai vu M. Maynial, qui m’a reçu très aimablement. Il m’attendait d’ailleurs, ayant reçu de vous une lettre lui annonçant ma venue. Nous avons causé de choses et d’autres et il m’a fait don de quelques ouvrages, dont votre Correspondance inédite de Maupassant. Il m’a dit qu’il pouvait disposer d’un exemplaire et qu’il se faisait un plaisir de me l’offrir. Il l’a même autographié, et j’attends maintenant votre visite pour que vous ajoutiez votre griffe à la sienne. Il m’a dit que vous aviez sûrement reçu des exemplaires de votre livre, et que je n’avais pas à faire d’enquête à ce sujet, auprès de l’éditeur.
À Paris, la vie coûte plus cher que jamais, et l’on se demande comment ces pauvres Français mettent ensemble les deux bouts. J’ai interrogé pas mal de gens, et le salaire moyen me paraît être de 25,000 francs par moi, ou quelque $75, chez les gens du peuple. D’autre part, tout se vend aussi cher qu’en Amérique. Cela n’a pas de sens. Si les prix élevés sont destinés aux étrangers, les Français en souffrent les premiers.
Dès que j’aurai lu votre bouquin, je verrai à vous donner un article dans ma série de journaux. Cela ne vous fera pas vendre des milliers d’exemplaires, mais ce sera autant de publicité autour de l’ouvrage.
Quand venez-vous à Saint-Hyacinthe? Ce serait à peu près le temps. Quelles belles soirées nous passerions ensemble!
Meilleures amitiés,
Lettre 13
FHB 298/043/002
Le 28 mars 1962
Soyez le bienvenu, mon cher ami (Knoch gueldinis, benim aziz dostoum.)
Pour vous, une autre coupure à propos de notre ami Maupassant (Sizin itchin, bir bachga kecik mucacib bizim qadîm dost Maupassant).
I am not too sure about my turkish.
As you know, I was in Istanbul in 1957 and picked up a few books, including old dictionary.
Hope these new items about Maupassant will fit in.
Wish to thank you for Alphonse Karr’s carte de visite.
I thought it had been acknowledged. I must have forgotten and much am I confused.
Sincerely,
Lettre 14
FHB 298/043/002
Le 30 décembre 1965
Caro amigo mio,
! Qué sorprea aprender que esta viviendo Ud my suenño! C’est bien là ce que je veux dire car je rêve depuis longtemps d’aller passer environ trois mois au Mexique, dans l’intention d’apprendre un peu cet espagnol qui sans cesse paraît me fuir. Mais je n’ai ni les loisirs ni l’argent qu’il faudrait, et j’attends mon tour, qui ne vient pas.
En attendant, je suis bien heureux pour vous de votre séjour là-bas, et je ne désespère pas d’aller vous y trouver un jour.
Je vous remercie sincèrement de votre aimable invitation, mais je ne sais quand j’en pourrai profiter. Car je ne bouge pas pour l’instant, songeant à prendre ma retraite avant très longtemps et m’y préparant de loin. J’ai bien reçu votre portrait-catalogue et je vous en remercie, si je ne l’ai fait déjà. Mais je suis si mauvais correspondant, n’ayant le temps de rien.
Je ne m’occupe guère de littérature, mais le journal me tient plus que jamais. La population augmente sans cesse, le journal grossit chaque semaine. J’ai sans doute un adjoint, mais vous n’êtes pas sans savoir que les jeunes ne veulent pas travailler, ou travaillent mal et s’en moquent, ou ne tiennent pas en place, et qu’il me faut, aussitôt que j’en ai formé un, me mettre à en former un autre.
Connaissez-vous cet ouvrage qui s’intitule Maupassant et l’Androgyne?, de Pierre Borel, je crois? Je l’ai trouvé par hasard, il y a environ deux ans, et il m’a un peu étonné. Je ne connaissais pas cette histoire d’amour à trois, et je serais curieux d’en savoir plus long sur cette femme dont j’oublie le nom – car je n’ai pas le livre à mon bureau. Savez-vous s’il existe d’autres ouvrages traitant de cette affaire aussi scandaleuse que sotte. Il m’étonne qu’aucun historien de la littérature n’en ait jamais soufflé mot. Pas même Steegmuller, qui n’est pourtant pas prude.
Si je partais un jour pour le Mexique, j’aimerais à y vivre dans une famille mexicaine, et non pas à l’hôtel, car je crois que ce serait là la meilleure façon de me familiariser avec la langue et les gens. Il faut être obligé de parler une langue étrangère, pour les besoins ordinaires de chaque jour, pour l’apprendre.
Dans une ville comme Guadalajara, serait-il possible de se trouver une pension du genre dit, en même temps que la possibilité d’aller à l’école quelques heures par jour? Avez-vous quelque idée de ce que pourraient coûter, pour deux personnes chambre et pension? Par semaine ou par mois? À quelle distance de Mexico se trouve Guadalajara? Trois cents milles environ? Le temps venu, je voudrais trouver un coin où il serait à peu près impossible de parler le français ou l’anglas.
J’ai compris jusqu’au dernier mot l’invitation de l’Alliance française à l’exposition de dessins de Covarrubias, mais je ne pouvais songer à m’y rendre. Je vous remercie quand même.
Me rappeler à Madame et croire à ma sincère amitié.
Your truly yours,
Lettre 15
FHB 298/043/002
Le 26 juin 1967
Mon cher ami,
Je m’excuse de ne pas écrire souvent, de paraître même vous négliger, mais je suis toujours débordé, travaillant comme deux hommes, me levant à 6 heures du matin, six jours par semaine.
Notre ville grandit sans cesse, alors que je ne grandis pas, et j’ai toutes les misères du monde à obtenir de l’aide, les jeunes se refusant à travailler pour de bon, exigeant des traitements auxquels nous ne pouvons pas songer.
Ce qui fait que je suis toujours à la tâche, n’ayant pas assez de fortune pour prendre ma retraite, ne pouvant d’ailleurs m’imaginer ce que je ferais de loisirs à l’infini.
Je crois que je mourrais d’ennui, si je quittais mon poste.
J’ai eu 69 ans en mai dernier, je fais du journalisme depuis décembre 1919, cela n’a jamais cessé et cela continue, et ma santé paraît meilleure que jamais.
Souhaitons qu’elle tienne.
Pour ce qui est de votre Fréchette, c’est sûrement un livre qui a de la valeur.
Mais à qui l’offrir?
Pourquoi n’essayez-vous pas la Bibliothèque du Parlement à Québec, vous adressant au bibliothécaire ou conservateur, M. Charles Bonenfant, auprès duquel vous pourrez vous réclamer de moi.
D’autre part, je n’ai aucune idée de ce que peut valoir l’ouvrage.
Vous pourriez peut-être vous informer auprès de la
Librairie Ducharme
418, ouest, rue Notre-Dame
Montréal
Cette librairie se spécialise en Canadiana et Americana.
Vous pourriez aussi essayer aussi
Le Bouquiniste Enr.
C.P. 653 (Haute-Ville)
Québec 4
Ce bouquiniste, qui est un nommé Gagnon, fait le commerce des livres d’occasion, français et canadiens, et il est possible que le vôtre l’intéresse.
À Paris, vu le général Boulanger, vous pourriez peut-être essayer
M. Raymond Clavreuil
à la Librairie historique
37, rue Saint-André-des-Arts
Paris (6e), France
Dois-je comprendre, d’après une lettre antérieure, que vous avez vendu toute votre collection de documents sur Maupassant?
Je serai curieux d’un peu de détails là-dessus.
Je ne vous blâme pas, je crois même que vous avez bien fait, car les hommes s’en vont et les institutions demeurent. Rien n’est pire que de disperser. J’ai pour ma part vendu une partie de ma bibliothèque à l’École de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, qui est une institution du Gouvernement de la province de Québec.
J’y vois trois avantages : je réalise, en faisant de la place dans mes rayons que mes livres ne sont pas dispersés et ils restent à ma disposition, si j’en ai besoin.
Je reste curieux de détails sur l’ouvrage de Pierre Borel : Maupassant et l’Androgyne. Je croyais que Borel était un écrivain sérieux. Dois-je changer d’avis?
Connaissez-vous aussi cet ouvrage qui serait une suite aux Souvenirs de François Tassart? J’ai mis la main sur ce livre et je trouve qu’il sonne faux, qu’il est au plus du remplissage, n’apportant rien de neuf.
Quand revenez-vous à Saint-Hyacinthe?
Meilleur souvenir,
Lettre 16
FHB 298/043/002
Le 18 mars 1970
Mon cher ami,
Croyez-le ou non, je mets la main à la plume – ce qui n’est pas vrai – pour vous écrire un mot.
Il y a longtemps que je veux le faire, mais je suis tellement bousculé par le journal que je n’ai jamais le temps de rien. J’en néglige à tel point mes amis que je me demande parfois s’ils me conserveront leur amitié.
J’ai été étonné d’apprendre votre déménagement, car vous m’aviez paru tellement enchanté de votre séjour de Miami, à proximité de l’université. Je ne sais encore quand j’irai vous voir, mais j’imagine que cela viendra un jour.
Pour l’instant, je me prépare à quitter le journal pur de bon, sur la fin de juin, après quoi j’irai passer trois ou quatre mois dans l’Ouest : ce qui veut dire Winnipeg, où ma femme a une sœur, puis Vancouver et Victoria, puis le Japon et le reste jusqu’à Paris, en faisant le tour. De ce temps, je me trace des itinéraires et je compte mon argent. Le tracé des itinéraires est la plus facile des deux tâches.
Vous vous souvenez que je vous ai parlé un jour de Rémy de Gourmont? Voici donc ce que je veux vous raconter; il y a plusieurs années déjà (1956), j’ai acheté d’occasion un petit ouvrage de son frère, intitulé Rémy de Gourmont vu par son médecin, ou plutôt un ouvrage publié par les soins de son frère Jean, mais signé par le docteur Paul Voivenal.
L’ouvrage est assez quelconque à mon avis, mais j’ai trouvé dans mon exemplaire trois photographies d’une femme qui s’appelait Georgette Avril-Brayer ou Bryer – les deux orthographes sont donnés.
La première est une très belle photo d’artiste, portant les mentions suivantes : Paul Darby, 147, Boulevard Saint-Germain, Paris. – c’est le photographe.
À l’arrière, on lit à un endroit : Souvenir, Infinie tendresse; et vers le centre : « Georgette Avril-Breyer (mariée à M. Cloquemin, administrateur des Colonies). Amie de Rémy de Gourmont avant son mariage, qu’il appelait sa « poupée ».
Les trois premiers mots paraissent de la main d’une femme, sans doute la poupée, mais les autres au crayon et d’une autre écriture, et je crois qu’ils sont d’un ancien propriétaire du livre. Il n’y a pas de date.
Les deux autres photos sont de petites photos de kodak, et je ne suis pas sûr qu’elles montrent la même femme. C’est pourtant la même, mais en moins bien, plus en négligé, car l’une porte la mention Georgette Avril, Paris, 1904; deux mots inintelligibles, le second commençant par Paz (paix, en espagnol), peut-être un nom d’endroit aux colonies, puis la date 1906, puis la mention : Georgette Avril Bryer. À noter que c’est toujours la même écriture, et c’est à se demander si ce n’est pas celle de Gourmont lui-même. Celui-ci mourut en 1915.
Je m’en veux de ne pas vous avoir montré ces documents, quand vous êtes venu; je les ai simplement oubliés.
Vous qui savez tout, qu’est-ce que vous savez de toute cela, et qu’est-ce que vous en dites?
J’en reviens à Édouard Maynial, à quel collège a-t-il enseigné si longtemps, Henri IV ou Louis-le-Grand, ou un autre? Madame Mayial vit-elle encore et demeure-t-elle encore rue de Seine? Au fait, vous rappelez-vous le numéro, rue de Seine?
J’espère que vous vous portez bien, Madame aussi, et nous vous envoyons à tous deux, ma femme et moi, nos meilleurs vœux et salutations.
Lettre 17
FHB 298/043/002
Le 9 octobre 1970
Mon cher ami,
J’ai beau chercher, je n’ai rien trouvé sur votre Planchut qui ne paraît pas un nom conservé par l’histoire. Il ne peut s’agir des Planche père et fils qui se prénommaient Joseph et Gustave et vécurent à la même époque que les bonnes gens nommées par vous, le premier ayant décédé en 1853, le second en 1857.
J’ai un peu cette impression que votre Edmond Planchut cache Edmond de Goncourt. Vous n’êtes pas sans savoir que cet Edmond tire toujours du grand; qu’il se mêlait de reculons aux écrivains de la plèbe; qu’il prenait toujours soin, avec qui que ce soit, de préserver son honneur, sa dignité et son petit air pincé. Vous savez aussi qu’il déblatérait, dans son Journal, contre ceux-là même qu’il appelait, dans ses lettres, ses plus chers amis. Il va sans dire qu’il n’eût pas voulu s’associer au public, avec signature, avec des créatures comme Flaubert, Tourguenieff et George Sans. Je me demande ce que vous ne trouveriez pas en consultant le Journal à la date qu’il vous faut, ou peu après, mais je n’ai pas moi-même le Journal, qui a toujours coûté trop cher pour moi. Au fait, vous ne m’avez pas donné la date de votre fameuse rencontre, et j’en aurais besoin pour continuer mes recherches.
Saviez-vous qu’Édouard Maynial publia en 1945, dans la collection « Les Grandes pécheresses », une monographie fort bien faite de La Marquise de Custine (Éditions Albin Michel), qui vécut de 1770 à 1826, après avoir été, comme tant d’autres, maîtresse de Chateaubriand? J’imagine que vous en savez plus que moi sur le sujet. Je vous ai demandé un jour à quel collège parisien Maynial a enseigné si longtemps et vous me l’avez dit, mais je ne sais plus où j’ai mis cotre lettres contenant le renseignement. Voudriez-vous redire pour moi?
Je vous remercie de votre aimable invitation, mais je ne crois pas que je puisse faire cette année le voyage de Floride. Je devais partir pour l’Europe le 10 septembre, et je suis entré le 8 à l’Hôpital Notre-Dame de Montréal, à la suite de ce qu’on a appelé un « trouble cardio-vasculaire. » À cause et pour la cause du grec, on m’a fait subir des examens aussi amusants qu’un encéphalogramme et une artériographie. Ce qui signifie qu’on m’a surtout examiné le cerveau, pour voir ce qu’il y avait de ce côté. Or, on n’a rien trouvé. Si l’on me l’avait demandé avant de procéder, j’aurais pu dire la même chose aux médecins. Cela m’aurait coûté moins cher et fait moins mal. Partez de là pour admirer les beautés de la spécialisation.
Le pire, c’est que lesdits médecins m’interdisent maintenant de voyager, me recommandant de travailler le moins possible, de m’ennuyer le plus possible. Vous voyez la situation? Je m’en accommode assez bien de ce temps, mais qu’est-ce que ce sera pendant les mois d’hiver.
Je ne désespère pas, pourtant, d’aller vous voir un jour, et de savourer pour ma part les belles choses que vous avez rapportées d’Europe. Mais quand? À l’époque où je pouvais partir, il me fallait rester ici. Maintenant que je pourrais partir, ayant quitté le bureau, pour de bon, depuis le 1er juin, je dois encore rester à la maison.
Je vous quitte sur ce, vous dis mes amitiés, vous demande de la transmettre à Madame Artinian, et ma femme, il va sans dire, joint les siennes aux miennes.
Sincèrement,
Lettre 18
FHB 298/043/002
Le 25 octobre 1970
Mon cher ami,
J’ai continué de chercher, mais je n’ai rien trouvé sur votre Planchet ou Planchut, que vous avez l’air d’écrire des deux manières. L’hypothèse Goncourt n’a jamais cessé de me plaire, mais je suis bien obligé de me retirer de la course, si les sciences de l’écriture s’en mêlent.
Peu après les désastres de 1870-1871, Flaubert quitta Croisset pour aller passer quelques jours à Concarneau, chez son ami Pouchet. N’oubliez pas non plus qu’à la même époque, Flaubert travaillait avec ardeur à son Bouvard et Pécuchet. Y a-t-il à noter ici quelque chose, hors les assonances?
Je continue ici mes recherches, ma bibliothèque offrant pas mal de ressources sur l’époque. Il va sans dire que cela serait beaucoup mieux, si votre document portait une date. Je vais écrire aussi à Paris, où j’ai un excellent correspondant qui s’y connaît pas mal en matière littéraire.
J’ai été encore un peu malade, cette fois à la maison, mais mon médecin le neveu m’a remis sur pied. Il paraît que j’avais pris un peu de froid, ce qui avait provoqué de la température, une baisse de la tension, puis une accentuation de mon arythmie cardiaque. J’ai hâte de redevenir un homme à peu près normal. Si cela se produit, je pars à la mi-février pour les Îles Baléares, où je passerai un mois et demi à ne rien faire; je me risquerai peut-être de là jusqu’en Algérie, où ma femme a une de ses nièces. Cela me sera un prétexte pour partir, aux yeux de ceux qui voudraient peut-être m’en empêcher.
Je vous remercie de nouveau des renseignements sur Maynial, et je les note tout de suite avant de la perdre de nouveau. J’ai ici l’histoire du lycée Henri IV, par André Chaumeix, l’Académie française. Il n’y est nulle part question de M. Il va sans dire qu’il n’a jamais été président de l’Association des anciens élèves, dont on donne la liste, mais peut-être n’était-il pas un ancien. On rappelle qu’un tas de gens y furent professeurs, dont Henri Chantavoine, Bergson et d’autres. À propos de Bergson, l’auteur note qu’il fut professeur au collège Rollin, aujourd’hui lycée avant sa nomination à Henri IV. Cela m’a un peu étonné, que j’ignorais, car j’ai moi-même commencé mes études au Collège Rollin, à l’automne de 1904. Bergson en était parti pour Henri IV depuis longtemps, puisqu’il venait de passer sa thèse de doctorat, en 1888, quand il y fut nommé. Or, 1888, c’est dix ans avant ma naissance, croyez-le ou non. Si, pour Victor Hugo, le dix-neuvième siècle avait deux ans quand il vit le jour (« Ce siècle avait deux ans… »), je suis à cheval, pour ma part, sur deux siècles, les 19e et 20e. Et je ne m’en suis pas encore vanté en vers. La thèse de doctorat de Bergson se transforme en un petit livre qui avait pour titre : Les Données immédiates de la conscience. Vous entendez? L’homme avait beau être juif, intelligent, excellent professeur, penseur avisé, homme du monde, sûr de lui-même et de sa langue, cela devait être d’un ennui mortel. Vous pardonnez mon impudence, mais je n’ai pas du tout la bosse philosophique : celle qui pense, qui cherche, qui veut refaire le monde en mieux, sans savoir pourquoi ni comment.
Assez bavarder pour ce jourd’huy dimanche. Je vous quitte, vous dis bonjour, vous prie de nous rappeler à Madame Artinian.
Sincèrement,
Lettre 19
FHB 298/043/002
Le 25 novembre 1970
Mon cher ami,
Je n’ai encore rien trouvé de concluant quant à votre Planchet bien que je garde l’œil ouvert et que j’aie revu la plupart des ouvrages et que j’ai, sur Flaubert. Vous êtes-vous assuré, de votre côté, que Planchet n’était pas le critique Gustave Planche, qui aurait pu maquiller son nom pour ne pas nuire à sa réputation de grave critique. Il était plus âgé que Flaubert, mais George Sand aussi était plus âgé que Flaubert. Rappelons-nous que Planche naît en 1808, George Sand en 1804, Flaubert en 1821. Ce qui veut dire que Planche, de quatre ans plus jeune que Madame Dudevant, aurait pu, aussi bien qu’elle, se trouver dans une partie de plaisir où aurait figuré le jeune Flaubert? Pourquoi pas?
Dans un autre ordre d’idées : connaissez-vous cet ouvrage de Paul Ignotus (pseudo, évidemment), que j’ai trouvé en anglais sous le titre de The Paradox of Maupassant. Avec cette mention : « Copyright –c- Paul Ignotus 1966. First American Edition published in 1968, by arrangement with University of London Press Ltd. » (Funk & Wagnalls, New York).
Cet ouvrage est un des plus lumineux que je connaisse sur votre ami Maupassant, moins volumineux que celui de Lanoux, mais guère moins informé. Si vous ne le connaissez pas, sachez qu’il vous cite, de même que Maynial, Steegmuller, Lanoux et tous les autres qui sont dans les secrets. Si vous ne l’avez pas, et si vous en désirez un exemplaire, vous pourriez peut-être essayer de vous en procurer un, au prix fabuleux de $ 1.00 à l’adresse suivante : « Marboro Books », 131 Varick Street, New York, N.Y. 10013. C’est donné, le livre ayant déjà été annoncé à $ 4.95. Vous recevez le catalogue de « Marboro Books »? Si non, il faut le demander. La maison fait une spécialité de fonds d’éditions, qu’elle vend à prix fort réduits.
Ma santé continue d’être assez mauvaise, mais j’espère quand même pouvoir me rendre à Palma de Majorca. Pourquoi pas la Floride, où il m’intéresserait tellement de vous aller voir. C’est qu’Air-France offre pour Palma un prix dérisoire : séjour de 45 jours, tout compris, avion, hôtel, repas, pour $415 par personne. C’était d’abord $ 510. Mais on a pu constituer, ici et dans le voisinage, un groupe de 40 personnes, et le prix a baissé à $ 415. Vous devriez venir, vous joignant à notre groupe. À Palma, on est à 120 milles de Barcelone, 200 milles d’Alger, environ 450 d’Oran, et l’on peut voler à Madrid en moins de deux heures. Vous vous imaginez les tentations que je peux avoir. Si mon médecin et ma femme ferment un peu les yeux, je vais essayer de tricher un peu, comme vous vous imaginez bien. Une autre fois, ce sera sûrement Palm Beach.
Votre carte de Malaga m’a intéressé, d’autant plus qu’un de mes amis en arrive. Il m’a téléphoné, mais je ne l’ai pas encore vu. Avec sa femme, il a séjourné dans une petite localité de la région, appelée Mijas, mais les cartes qu’il m’envoya étaient postées à Malaga.
J’espère que votre dernière exposition a réussi au-delà de vos désirs.
Veuillez nous rappeler, ma femme et moi, au souvenir de Madame Artinian, et nous croire, comme avant et pour toujours, parmi vos plus fidèles.
Lettre 20
FHB 298/043/002
December, 20, 1970
My dear Floridian friend,
Sorry you are not coming with us to Palma de Majorca, were we intend to see all we can, in and around. Like you, I also believe that the price is incredible. The first cost was $ 510 per, but I have a feeling Air-France did not meet with the expected response, and the price was reduced to $ 415, peer groups of at least 40 persons. I may be mistaken, but I understand it’s now a sold-out. And this is why I may stick my nose in Algeria, which was completely out of my ambitions.
Have you any idea of the English author who hides himself behind the Ignotus mask? As you know, the latin word ignotus means unknown. I am most curious to find out who the man is, who certainly knows his business. Not only is he well informed about Flaubert and Maupassant, but he tells how the latter was formed and influence by his environment, as people say in bad English and worse French.
We hope, Alice and I, that you will have a marvelous Christmas. I have just had a phone call from Caracas, announcing that my elder daughter is coming to pass the holidays with us. She should be at Dorval airport the coming Tuesday, at 6.20 p.m. Everybody is much excited here except myself, but I am more of an hypocrite than the others.
Most sincerely,
Lettre 21
FHB 298/043/002
Le 3 mai 1971
Mon cher ami,
Je vous remercie de vos documents et m’excuse de n’avoir pas donné signe de vie plus tôt.
À la fin, je n’ai pas été aux Îles Baléares ni en Algérie, mais suis resté à Saint-Hyacinthe tout l’hiver, enfoui dans la neige. Au dernier moment, la santé n’allait pas trop et le médecin m’a conseillé de ne pas bouger. Mes ennuis de circulation sanguine se manifestèrent du côté de yeux, ce qui n’invitait guère à l’écriture ni à la correspondance. C’est pourquoi j’ai paru vous négliger un moment, mais veuillez croire qu’il n’en est rien. J’y vois un peu mieux, depuis quelque temps, mais ce n’est pas parfait. Je vous enverrai sous peu un document qui devrait vous intéresser. Je m’amuse aussi, dans mes bons moments, d’un rêve qui me crèvera peut-être en les mains, comme tant d’autres : aller passer une dizaine de jours à la Nouvelle-Orléans, et me rendre ensuite en Floride. Nous en reparlerons. Il faudrait me rendre à la N.O. vers le 1er novembre. La température sera-t-elle endurable dans les semaines qui suivront, dans votre coin de pays? Je me surveille pour l’instant, pour voir si je réussirai à ne pas m’écrouler une fois de plus. Mes hommages, ou plutôt nos hommages, à Madame.
Sincèrement à vous,
Lettre 22
FHB 298/043/002
Le 6 septembre 1971
Mon cher ami,
Nous avons été très heureux d’avoir de vos nouvelles, et surtout d’apprendre que Madame est maintenant rétablie on ne peut mieux.
Après votre dernière expérience, vous devez maintenant parler l’espagnol couramment. Je vous en félicite et ne peux m’empêcher d’un peu de jalousie.
Vous avez retrouvé aussi l’enfant perdu qui a nom Edmond Planchet, ou Planchut. Malgré mes recherches, qui n’ont jamais cessé, je n’ai pas encore découvert ce nom dans mes livres.
Si vous pouvez mettre la main dessus, vous pourriez peut-être consulter un ouvrage sur les journaux français, que je n’ai pas : Histoire de la presse française, en deux volumes, de René de Livois (éd. : C.F.A » 1966).
Nous n’avons pas quitté Saint-Hyacinthe de tout l’été, et je crois pouvoir dire que ma petite santé s’améliore, sans toutefois être parfaite. Ma femme, elle, est réellement mieux avec une tension artérielle plus normale qu’elle n’a été depuis longtemps.
Si rien ne s’y oppose, je songe à me rendre à la Nouvelle-Orléans au début de novembre, et je passerais une dizaine de jours en Louisiane. Après quoi j’irais vous dire bonjour à Miami. Ce n’est pas encore arrêté de façon finale, mais c’est là un projet que je caresse depuis quelque temps. À moins que je parle pour Caracas où se trouve ma fille aînée, ou Guadalajara.
Nos meilleures amitiés, à Madame comme à vous, avec l’espoir de vous revoir avant la fin des temps.
Lettre 23
FHB 298/043/002
Le 1er août 1973
À M. Artine Artinian
À Paris, que peut-être je
ne reverrai pas.
Mon cher ami,
Je m’excuse de n’avoir pas donné signe de vie à Noël et au Jour de l’An. Mais j’ai été très malade : deux crises cardiaques entre juin et décembre. Au point que j’ai paralysé en partie du côté droit pendant un temps, que j’ai passé l’hiver dans des hôpitaux, à Saint-Hyacinthe d’abord, puis à Montréal. Cela s’améliore un peu, mais j’ai de la peine à écrire et à signer mon nom
Je vous trouve bien heureux de pouvoir encore circuler. Mais je me demande pourquoi vous ne venez pas à Saint-Hyacinthe pour y trouver : vos documents, même français.
Qu’est-ce que vous diriez d’une longue lettre de six pages, à moi adressée de Montpellier (du 17 mai 1960) par Mme Jeanne Yves Blanc, qui fut la marraine de guerre de Guillaume Apollinaire, pendant la guerre de 14-18. Elle m’y donne maints détails sur Apollinaire et ceux de l’époque.
J’ai aussi une lettre de Frédérique Lefèvre, fille de Frédéric Lefèvre (18 sept. 1950), qui était, selon elle, l’âme des « Nouvelles littéraires » depuis 1920, « date à laquelle il fonda ce journal. »
J’ai encore maintes autres choses, mais il faudrait que je les trouve.
Mes meilleures amitiés, de ma femme et de moi-même, dont vous donnerez une partie à Madame Artinian.
Lettre 24
FHB 298/043/002
Le 18 septembre 1974
Mon cher ami,
Je vous remercie de votre article et des invitations, mais je crois pas que j’en profite jamais.
Il est dommage que vous n’ayez dit que j’avais la plus belle collection relative à Maupassant, après la vente de la vôtre. En ajoutant que vous m’avez aidé à la constituer. J’ai en tout, au jour d’aujourd’hui, une trentaine d’ouvrages. Cela d’ailleurs n’a aucune importance.
Ma santé reste mauvaise. Je n’arrive pas à me remettre. J’ai toutes les misères du monde à écrire. Si je n’avais une machine à écrire, je ne saurais vous répondre.
Je suis devenu tout à fait sourdre et je me suis permis aussi une hernie au bas-ventre, à l’âge de 76 ans. Pour la nouveauté. Je me demande ce qu’il va m’arriver demain.
Je vous envoie les deux photos de Maurice Garçon, que je vous avais promises il y a longtemps. J’espère que Madame se porte bien, et vous aussi.
Mes vœux les meilleurs, auxquels ma femme joint les siens.
Sincèrement,
Lettre 25
FHB 298/043/002
Le 16 novembre 1974
Mon cher ami,
Je ne suis pas l’auteur des photos de Maurice Garçon. Elles sont d’un photographe du journal, qui m’accompagnait à sa conférence de l’Alliance française.
Je vous envoie un article sur Garçon, que je viens de retrouver. Vous le pourrez verser dans votre documentation.
Ma santé continue d’être pitoyable. Tout le monde me trouve bien, y compris mon médecin, mais personne n’admet la vérité. Au vrai, je suis moins malade qu’avant, mais je continue de me traîner. J’ai toujours du mal à m’exprimer, les mots me manquent, j’ai peine à signer mon nom.
Croyez-vous que vous pourriez trouver pour moi, en Floride, un livre sur la Floride. Il s’agit de Cross Creek Cookery. C’est le seul ouvrage qui me manque de ceux de Marjorie Kinnan Rawlings. J’ai même The [Se]journer, qui parut en Australie, et la version française de The Yearling. Il est bien entendu que vous me direz ce qu’il vous en coûtera. Je n’aurai pas besoin d’argent dans l’autre monde.
J’espère que vous vous portez bien. Qui aurait cru que je finirais comme tant d’autres, à me dorloter pour une maladie de cœur. Ce n’est pas original.
Ma femme se joint à moi pour vous envoyer, à vous deux, nos vœux les meilleurs.
Lettre 26
FHB 298/043/002
Le 16 février 1976
Je m’excuse de n’avoir pas donné de nouvelles plus tôt. Mais j’ai été plutôt malade que bien, pendant la période des Fêtes.
Vous n’avez pas, je crois, à vous tourmenter trop en ce qui regarde votre fille, qui a décidé de rester en Nouvelle-Zélande. La vie est si courte qu’elle fait bien de vivre à son goût.
J’ai bien, pour ma part, une fille qui vit au Venezuela, où se trouvent aussi mes petits-enfants. Un grand garçon, qui mesure aujourd’hui six pieds de haut, et une fille qui est mariée.
Je vous inclus des recettes arméniennes, que je trouve dans un journal, et qui peut-être vous intéresseront.
Je n’écris pas plus ; j’ai toutes les misères.
Mes amitiés, à Madame comme à vous. Ma femme se joint à moi, il va sans dire.
Sincèrement,
11 Lettres à Jean Bruchési
Lettre 1
FHB 298/043/011
Le 2 octobre1930
Monsieur Jean Bruchési
La Revue moderne
Montréal
Mon cher Bruchési,
Puisque vous êtes pas mal calé en histoire contemporaine, pourriez-vous me dire s’il existe quelques ouvrages sérieux sur l’archiduc Rodolphe d’Autriche et le drame de Mayerling? Je vous saurais gré de me donner titres, éditeurs, année.
Savez-vous s’il existe des romans en marge de la vie de l’archiduc, autres que le Taia de T’sertevens, et le Mayerling d’Anet.
Je vous remercie de tous renseignements que vous pourriez me fournir.
Sincèrement,
Lettre 2
FHB 298/043/011
Le 6 octobre, 1930
M. Jean Bruchési,
La Revue Moderne,
Montréal.
Mon cher Bruchési,
Je vous remercie de votre lettre et des documents soumis. Ce témoignage du compte Hoyos, dont j’avais entendu parler, m’a fort intéressé. Il ne fait, cependant, qu’ajouter à mon désarroi historique, touchant cette affaire de Mayerling.
Je crois, comme vous, que le [fonds?] de Taia est purement fantaisiste. Le livre est ce qu’on appelle un livre dangereux, susceptible de fausser les esprits. Mayerling a plus de vraisemblance, mais je me demande si l’hypothèse du suicide peut se soutenir sérieusement? La Cour d’Autriche, demandant au Vatican les funérailles religieuses pour l’archiduc Rodolphe, a assuré à Léon XIII que l’archiduc avait été victime d’un assassinat. Il y a aussi une dépêche de Léon XIII à l’Archevêque de Vienne, où il est dit : « … nous savons de manière non douteuse et sans discussion que le défunt illustrissime a été lâchement assassiné et qu’il ne s’est pas suicidé. »
Si cela vous intéresse, vous trouverez un article sur le drame de Mayerling dans le Mercure de France du 15 janvier, un autre dans le Mercure du 1er février 1930, page 753. Un article élaboré sur le même sujet a aussi paru dans le Mercure du 16 avril 1916. Je n’ai pas lu ce dernier, n’ayant pu mettre la main sur une livraison aussi vieille. Si par hasard vous la découvriez, je vous serais reconnaissant de me dire où elle se trouve. J’avoue que je n’ai pas consulté les bibliothèques de Montréal.
Veuillez croire à mes meilleurs sentiments.
Re : Drame de Mayerling
Voir article de J. Fr. d’Estaleux dans Candide, 10 juillet 1930, en marge des mémoires du comte Hoyos.
Lettre 3
FHB 298/044/005
Le 3 février, 1932
M. Jean Bruchési,
La Revue moderne,
Montréal.
Mon cher Bruchési,
Je viens de voir les chiffres dont je vous ai parlé, au cours de la réunion annuelle de l’association des auteurs, mercredi dernier. Ces chiffres sont tirés de la publication officielle qui s’intitule : État financier des [corporations] scolaires. J’ai en main le rapport pour l’année 1930. Ce n’est pas précisément à date, mais cela vous donne une idée. Vous pourriez obtenir le rapport de 1931 et comparer. Il [illisible] du Bureau des Statistiques, [illisible] des affaires municipales, Québec.
Donc, en 1930, les corporations scolaires de la province sont censées avoir acheté des livres canadiens pour le joli montant de $ 72,187,58. Il s’agit de livres de récompenses seulement, et le rapport est précis à ce sujet. En livres autres que canadiens, le rapport mentionne des achats au montant de $ 49,345,59. Ces chiffres sont compilés d’après les rapports annuels soumis au gouvernement par les secrétaires-trésoriers des corporations scolaires.
Devant de tels chiffres, une question se pose. Est-ce que les secrétaires ne font pas à Québec de faux rapports, quant à leurs achats de livres canadiens? Je me demande vraiment si l’on peut trouver, dans toute la province, des livres canadiens pour une valeur de $ 72,000.00? Je vous soumets le tout, croyant que l’Association des Auteurs pourrait s’en servir avec profit.
J’ai reçu ce matin la Revue moderne. Votre article est bien aimable pour moi et je vous en remercie. Je ne vous en dis pas plus long, je suis pressé.
Sincèrement à vous,
Lettre 4
FHB 298/044/005
Le 10 février, 1932
M. Jean Bruchési,
La Revue moderne,
Montréal.
Mon cher Bruchési,
Je ne sais si vous avez utilisé, auprès de M. David, les chiffres que je vous ai communiqués.
Si vous ne l’avez pas encore fait, je me demande si une petite campagne de presse, Autour de cette affaire, ne serait pas opportune? Vous pourriez prendre état de cette campagne pour soumettre à M. David un rapport de l’Association des Auteurs.
Nous pourrions nous combiner, plusieurs journaux et revues, pour lancer le cri. Ce serait le temps, vu que les achats de livres de récompenses, dans les commissions scolaires, se font à partir d’avril.
Si ce projet vous intéresse, je suis prêt à attacher le grelot. J’écris à DesRochers, Hains, Harvey, Barrette du Droit, etc., leur demandant de suivre. La Revue moderne se mettrait de la partie, et sans doute la Populaire, Mon Magazine, etc. Il y aurait moyen, je crois de faire un beau chahut.
Dites-moi où vous en êtes, et ce que vous pensez de la proposition? J’attends votre réponse. Si elle arrive à temps, et si le projet vous va, je publie un premier article dans le Courrier du 19 courant.
Lettre 5
FHB 298/044/005
Le 10 mars, 1932
M. Jean Bruchési,
La Revue moderne,
Montréal.
Mon cher Bruchési,
Je pense comme vous.
Avez-vous réussi à obtenir les chiffres pour 1931? Pour ma part, j’ai en main le montant des achats, livres canadiens et livres autres que canadiens, de 1926 à 1930 inclusivement.
Je pense bien qu’il est inutile de chercher à connaître les titres achetés. À titre d’expérience, toutefois, ne pourriez-vous pas demander ces titres à deux ou trois corporations scolaires, au nom de l’Association des Auteurs? Les réponses, quelles qu’elles soient, pourraient nous éclairer. Vous diriez aux secrétaires que leur réponse détaillée rendrait grand service à notre Association, ou quelque chose de semblable.
Enfin, je vous verrai le 19. Nous causerons de tout cela. J’ajoute que je suis toujours prêt à déclencher la campagne.
Sincèrement,
Lettre 6
FHB 298/044/005
Le 26 septembre 1932
M. Jean Bruchési
La Revue moderne
Montréal
Mon cher Bruchési
J’ai fait remettre votre nom sur notre liste d’échange. J’avais toujours reçu, jusqu’à ces tout derniers mois, la Revue moderne. Et je me demandais pourquoi on m’avait coupé le service?
La photographie ci-jointe vous intéresserait-elle? Il me semble que ce serait-là, dans une revue comme la vôtre, de la bonne information littéraire – pour ainsi parler. Je vous demanderais de me retourner la photo, une fois votre vignette faite.
Si cela vous intéresse, je pourrai vous donner un chapitre inédit de mon prochain roman : Dolorès, qui paraîtra d’ici quelques semaines.
Veuillez croire à mes meilleurs sentiments,
Lettre 7
FHB 298/043/011
Le 23 novembre 1932
M. Jean Bruchési,
Les Amis de l’Art français,
1430, rue Bleury,
Montréal.
Mon cher Bruchési,
Excuse le retard mis à te répondre.
Si cela est de nature à t’être utile sous quelque forme, j’accepte de faire partie de ton comité littéraire. Mais je me demande, en toute sincérité, ce que je pourrai faire pour votre groupe? Au surplus, je ne veux pas m’engager à grand’chose, vu que je suis déjà plus que surchargé. Et je me pose cette autre question : dois-je envisager une souscription, et quelle sera celle-ci? Si tu savais toutes les souscriptions auxquelles j’ai à faire face. C’est à un tel point que je me sens des désirs de fuir, chaque fois qu’on me menace de m’arracher de l’argent. Qu’est-ce que tu veux : les artistes et les écrivains sont bien plus riches de projets que de dollars. On peut sans doute me taper au nom de M. David, mais j’entrevois le jour où le chèque de M. David ne sera plus qu’un souvenir agréable, comme la jeunesse et l’amour. En tout cas, écris-moi un mot et me dis ce que tu veux au juste, et ce qui m’attend.
Sincèrement à toi,
Lettre 8
FHB 298/043/011
Le 29 novembre 1932
M. Jean Bruchési,
Les Amis de l’Art français,
Montréal.
Mon cher Bruchési,
Tu trouveras ci-joint un chèque de $ 2. C’est peu, sans doute, mais cela signifie tout de même que j’en suis. Quant aux avantages de l’association, je comprends qu’ils m’intéressent assez peu, dans mon coin de Saint-Hyacinthe.
Si jamais il y a réunion de ton comité littéraire, et que tu as besoin de mes services, tu n’auras qu’à le dire. Fais, autant que possible, que cela se passe en fin de semaine. C’est vrai que je suis bien directeur de l’Association des Auteurs, et que je n’ai jamais rien dirigé, pour n’avoir jamais pris part aux délibérations des directeurs. Mais je démissionnerai en temps et lieu, et retrouverai ma tranquillité d’esprit.
Il m’a fait plaisir de parler de ton livre. Trop brièvement, peut-être, mais je n’ai guère le loisir de traiter longuement des livres. J’ai trop de chats à fouetter.
Sincèrement à toi,
Lettre 9
FHB 298/043/011
Montréal, le 5 avril 1933
M. Jean Bruchési
La Revue moderne
Montréal
Mon cher,
Si je n’écoutais que mon bon cœur, je publierais ta lettre avec plaisir. Mais à tout prendre, je crois que ce n’est guère possible. Si je publiais, il arriverait ceci qu’Asselin, cochon comme il l’est, prendrait immédiatement une action en dommages contre le journal, puis une autre contre le signataire de la lettre. Car telle est la douceur de notre loi de la presse.
D’autre part, si tu m’adressais une autre lettre, rédigée de telle façon qu’il n’y eût aucun danger de libelle, je publierais avec un plaisir si complet que je n’ai pas d’épithète pour le qualifier.
Aurais-tu objection à ce que je garde ta première missive dans mes dossiers? Il y a là-dedans nombre de choses qui m’intéressent, et que je pourrai peut-être utiliser à la première incartade de notre fanfaron national.
Entre temps, Asselin n’a pas publié ma dernière lettre, et il n’a fait aucun commentaire. Il fait le sourd.
Je te remercie quand même, mon vieux, et je regrette de ne pas mieux te servir dans les circonstances.
Sincèrement
Lettre 10
FHB 298/010/017
Le 16 février 1951
M. Jean Bruchési
Sous-secrétaire de la Province
Hôtel du Gouvernement
Québec
Mon cher Jean,
Sauf erreur, tu as reçu déjà un exemplaire de mon dernier roman, Les Jours sont longs, du Cercle du Livre de France. Un exemplaire a aussi été adressé à l’honorable M. Côté. Je regrette qu’on les ait jetés à la poste avant que j’aie pu les dédicacer et signer. Je corrigerai à la prochaine occasion.
Crois-tu que le Secrétariat serait intéressé à acheter un certain nombre de volumes de l’auteur, selon les traditions et coutumes? Tu sais, aussi bien que moi, jusqu’à quel point cela me rendrait service. C’est la sempiternelle histoire, que je n’aurai pas le mauvais goût de te répéter.
Le prix de vente est de $ 1.50 l’exemplaire, détail. Dans l’hypothèse d’un achat un peu considérable, tu fixeras le prix au meilleur de ta connaissance, comme la dernière fois. De façon à me laisser quelque chose, si possible.
Je te remercie d’avance de ta coopération bienveillante. Le livre paraît avoir du succès. En tant que je sache, le peuple l’achète, non seulement l’Élite, avec un grand E. Il est encore trop tôt pour que je puisse me faire une idée de la diffusion générale.
Meilleurs amitiés,
Lettre 11
FHB 298/010/017
Le 22 février 1951
M. Jean Bruchési
Sous-secrétaire de la Province
Hôtel du Gouvernement
Québec
Mon cher Jean,
Ta proposition me va on ne peut mieux. Je ne suis pas pressé. Tu finis d’abord l’affaire de M. Tisseyre et tu m’adresses ensuite ta commande, dans le sens indiqué. L’une et l’autre contribueront à réduire le nombre d’exemplaires tirés.
J’attendrai donc de tes nouvelles.
Pour ce qui est du roman, la vente s’annonce bonne. La rumeur publique l’est également, de même que la critique, dans la presse comme à la radio. À moins que le public flanche tout à fait, il devrait y avoir un honnête succès. Si tu as le temps, je serais curieux de connaître ton impression sur le livre, où j’ai essayé des techniques nouvelles – pour notre pays.
Mes remerciements et mes amitiés,
4 Lettres à Robert Choquette
Lettre 1
FHB 298-043-012
Le 16 avril, 1931
Mon cher Choquette,
Je le regrette, mais je ne pourrai pas accepter votre invitation. D’abord, je n’ai pas de nouvelle sous la main. En second lieu, je ne vois pas bien la possibilité de lire une nouvelle un peu faite en six minutes. Enfin, vous direz à des messieurs de l’Association qu’ils me prennent trop de court, comme on dit chez nous.
Je vous remercie quand même de votre amabilité, et ferai l’impossible pour me trouver à la soirée du 24. Je me tiendrai dans un coin, avec le commun, et tout sera pour le mieux. Entre nous, j’ai assez peu de goût pour les manifestations extérieures, et je me demande en quoi mon apparition sur les planches, un papier à la main, pourrait avancer la cause des lettres au Canada français. Au surplus, je n’ai jamais endossé un tuxedo de ma vie, et je n’ai pas l’intention encore de m’en acheter un. J’avoue que je me sens bien plus à l’aise à courir les champs et les grèves, des grandes bottes aux pieds.
Je vous salue, et j’espère que vous ne serez pas trop désappointé. Faites comme si je ne devais pas être au programme. D’ailleurs, à venir à ce matin, on n’avait pas songé à demander ma collaboration. Ce qui était bien hier reste bien aujourd’hui.
Sincèrement
Lettre 2
FHB 298/043/013
Le 17 septembre 1931
Mon cher Choquette,
Je te donne toutes les permissions possibles. Tu feras le tripotage que tu voudras, et j’ajoute seulement que je serais curieux de voir le résultat. Pour moi, je n’ai absolument pas le temps de m’en occuper dans le moment. Je mets la dernière main à un nouveau roman qui paraîtra vers la mi-octobre. Toutes mes minutes sont comptées.
Je t’ai entendu à la radio, bien qu’en dehors de chez moi. Je croyais t’avoir écrit un mot pour te remercier. Si je ne l’ai pas fait, mille excuses. Il faut mettre en ligne de compte que j’ai faut deux campagnes politiques cet été. Après la lecture, certaines auditrices ont voulu acheter mon recueil de vers. Voilà ce qui s’appelle vouloir acheter un livre avant la lettre. Et je te dois cela. Si cela t’amuse de lire quelque autre pièce, un jour ou l’autre, tu n’auras qu’à me le dire.
J’espère que tu auras tous les succès avec ton entreprise de la saison qui vient. Finirons-nous par dégourdir un peu no concitoyens et compatriotes? Quand viens-tu à Saint-Hyacinthe? Je t’attends toujours. Dès que tu seras décidé, tu n’auras qu’à me glisser un mot. D’ailleurs, c’est promis. Et tu m’as dit que tu tenais tes promesses.
Là-dessus, mille saluts
Lettre 3
FHB 298/043/013
Le 3 décembre 1931
Mon cher Robert,
J’aurais mauvaise grâce à trouver à redire à ton programme de samedi dernier. Je ne veux remarquer que ta gentillesse à l’égard des confrères, et la bonne volonté que tu mets à enfoncer nos noms, et les titres de nos livres, dans les têtes dures des Canayens tes frères et les miens.
J’ai bien remarqué les lacunes que tu me signales, mais tu peux être assuré que je ne m’en fais pas. D’ailleurs, les auditeurs n’auront rien remarqué. Nos compatriotes, dans une proportion de 99.9 pour cent, sont tellement imbéciles qu’il n’y auront vu que du feu. Au reste, je dois te dire que j’ai reçu ici des félicitations, à mon retour de Sherbrooke. Les gens étaient convaincus que tout avait été très bien, et que rien ne clochait nulle part. Alors ? Tu devrais bien savoir que les radiofans n’écoutent que du quart d’une oreille, quand il s’agit de littérature. Ce qui fait que tu es admirable, dans le travail d’éducation que tu poursuis.
Si tu me permets un mot, je te dirai bien ceci, qui est entre nous : ton Vallerand, malgré sa bonne volonté, n’était pas dans le rôle. Il avait pris un ton braillard à scandaliser un bébé de trois mois. Robertson est un homme énergique, qui est en maudit lorsqu’il parle à Miss Parker, et Vallerand le faisait parler avec une voix de grue sympathique, qui veut et ne veut pas. Tu juges de l’effet. Mais sois sur que personne, hors les spécialistes, n’a relevé la chose. Et ne te fais pas plus de peine que je ne m’en fais moi-même.
À part de ça, nous avons regretté de ne pas te voir à Sherbrooke. Nous avons eu là une de ces petites réceptions que tu connais. J’aurais voulu te remercier plus tôt de ta bonne action du samedi, et je m’excuse de ne l’avoir pas fait. C’est vrai que tu as injurié mon texte. Comme punition, tu viendras nous voir à Saint-Hyacinthe. Quand ? Tu sais que tu as une promesse à tenir.
Lettre 4
Fonds HB 298/042/017
Montréal, le 2 janvier 1933
M. Robert Choquette
École des Beaux-Arts
Montréal
Mon cher Choquette,
Pourrais-tu m’adresser, pour une prochaine livraison de l’Action nationale, revue que je n’ai pas besoin de te présenter, quelques poèmes inédits?
Je passerai probablement en février, mais il est possible aussi que ce soit en janvier. De sorte que tu ferais bien de m’envoyer le tout sans délai.
Est-ce que tu ne pourrais pas tirer, de ton ouvrage en préparation, quelques pièces? J’en profiterais pour signaler l’ouvrage à l’attention des lecteurs.
Je te remercie d’avance et te prie d’agréer mes meilleurs vœux pour 1933.
Sincèrement à toi,
Ajout olographe : Pas de réponse
3 Lettres à Wilson O. Clough
Lettre 1
FHB 298/011/007
Le 7 avril 1947
Mr. Wilson O. Clough
University of Wyoming
Laramie, Wyoming
Cher monsieur Clough,
Vous me permettez d’écrire en français? Cela m’est tellement plus facile qu’en anglais, et je me rends compte, de plus en plus, que vous comprenez parfaitement le français. Au point de traduire des ouvrages français, comme l’indique la note au bas de votre poème. Incidemment, j’ai lu celui-ci avec beaucoup d’intérêt, et j’y trouve cette fraîcheur, cette vigueur qui caractérisent tant d’écrits du nord-ouest.
Sur cette question de l’enseignement, et des libertés qu’il suppose, j’ai l’impression que nous ne sommes pas loin de nous entendre parfaitement. Je suis, comme vous, opposé à tout ce qui sent le fanatisme et l’étroitesse d’esprit.
Je vous remercie sincèrement des documents que vous m’adressez. Ajoutés à ceux que j’ai déjà en main, ils me seront très précieux. Je ne désespère pas de mettre la main sur les volumes eux-mêmes, avant très longtemps.
Je remarque dans les notes soumises la mention de Wyoming Writers par Eva Floy Wheeler (1940). Auriez-vous l’amabilité de me faire tenir sans délai un exemplaire de cet ouvrage. Je vous en adresserai le prix, dès que vous me l’aurez fait connaître. Existe-t-il des ouvrages du même genre pour le Montana, l’Idaho? Tout renseignement à ce sujet me serait utile.
J’achève mon ouvrage sur le roman régionaliste aux États-Unis. Environ 125 000 mots. J’espère pouvoir vous en adresser un jour un exemplaire. Je vous envoie, en attendant deux romans du Québec, qui vous intéresseront peut-être.
Il se donne chaque année, à l’Université de Montréal, et à l’Université Laval, des cours de français et de littérature française, que suivent un grand nombre d’Américains. Ce sont des cours d’été, qui conviennent très bien aux professeurs. S’ils vous intéressent jamais, je puis vous faire adresser tous renseignements à leur sujet.
Je vous remercie encore une fois de votre amabilité grande. Si, de quelque façon, je puis à mon tour vous être utile, n’hésitez pas à me faire part de vos désirs.
Sincèrement à vous,
Lettre 2
FHB 298/011/007
Le 1er octobre 1947
Cher monsieur Clough,
Je vous adresse sous autre pli un petit roman canadien, d’un genre différent de ceux que vous avez déjà lus. J’espère qu’il ne vous déplaira pas trop.
Par la même occasion, je vous fais aussi tenir un chapitre de mon livre en préparation. Vous y trouverez, entre autres choses, les pages qui ont trait au Wyoming. Le livre est terminé et même composé à la linotype. C’est l’avantage qu’il y a à travailler dans une imprimerie.
Si vous aviez le temps de lire le chapitre en question, je serais curieux de vos réactions. Il va sans dire que vous avez toute liberté de suggérer corrections et modifications qui s’imposeraient. Et ce, dans une partie ou dans une autre.
J’ai reçu votre dernière lettre et vous remercie. Ce que vous m’écrivez de Léo-Paul Desrosiers, un de mes bons amis, ma paraît juste. Je trouve cependant que le livre manque d’intrigue, d’action, d’allant. Il n’est pas, à mon sens, assez romancé.
Veuillez croire à mes meilleurs sentiments.
Lettre 3
FHB 298/011/007
October 20, 1947
Dear Mr. Clough:
You are very good to me. Your remarks are very helpful and I have already made the indicated corrections. I am not adverse to criticism, but rather the contrary, and ready to accept with pleasure any remark that may help my understanding. As you say, some error were minor and easy to correct.
Now, my answer to your most important remarks.
p. 224 – Re Washington and Oregon. These two States are studied with California, under the heading: Pacific Coast States. A separate chapter. I know of the designation Mountain States, but I have based my regional divisions on those of Odum and Moore, in American Regionalism. My reasons are given in chapter II of the book. Thus is explained my interpretation of the Northwest. Is this satisfactory?
p. 226 – Re American stock in the West. Correction done, so as not to mislead the reader.
p. 233 – Slogum House. The remark of Mari Sandoz applies to Capital City, a novel which is not analyzed in my book. Slogum House is based on episodes and characters contained in the author’s biography of her father: Old Jules. I have here and I have read the three books.
p. 240 – Unfortunately, I do not know Lorene Pearson or Virginia Sorensen. I was both in Denver and Salt Lake City, but these writers were not mentioned to me. I have a booklet on Colorado writers, but Miss (or Mrs) Sorensen is not listed. Sorry I cannot include everybody, although I have tried to the best of my ability not to ignore important names. But a work such as mine cannot be complete.
p. 242 – Re Washington Irving. You are right. The Adventures of Captain Bonnevill U.S.A., were published in 1837. There was probably another edition in 1843, which is mentioned in The Shining Mountains, by Edgar C. McMechen. This led to my error.
p. 267 – Re Red Mother, by Linderman. This book I have listed as romanced biography. It may be more biography than fiction, but it certainly has the flavor of fiction. Do you think this will be questioned very much? It is not easy to correct at any length, due to the page setting in type.
I was rather surprised by the little number of suggestions made. I was afraid of much more. Do you really think that my chapter on your regions gives a fair picture of the situation? You know, of course, the stress under which I have been working, being a stranger and an outsider, far away from all sources of information. Of course I have traveled much and worked everywhere with University professors and librarians of all classifications. I had to build up my own reading. I have done my very best, and I hope the results will not be too disappointing.
As soon as the book printed, there will be a copy for you. This will be a small token of my appreciation for the services rendered. I am much indebted to men such as you, all over the country. I would have been stuck many a time, without their help and their willingness to be of service.
I have read your poem with much interest, although I am afraid the translation deprives it of much of its force. I understand that you are contemplating a book of poems, of Western inspiration? This would be much to my liking.
Thank you once more for all you have done on my behalf. Would another part of the part interest you in proof form? If you have the courage to read: New England, South East, Negroes, Southwest, Middle West, Pacific Coast.
Best regards,
16 Lettres à Miss Helen Crane
Lettre 1
FHB 298/011/007
November 11, 1947
Dear Miss Crane,
Although I would have preferred to see you at Montreal U., for this selfish reason that it is nearer St. Hyacinthe – only 30 miles – I think your decision about Laval is sound. Excellent courses have been given for years in Quebec City, and I know for a fact that they draw many students of American origin, from all parts of the U.S.A. I know Father Parent. He knows his business, and much more than I do about the value of University degrees, and you may trust him in what he says.
Whatever you decide, you will arrive at Montreal, most likely from Chicago, and I hope you will let me know in due time. J’y tiens absolument. I can easily meet you in Montreal with one of my daughters, bring you here in St-Hyacinthe and show you a town typically French. This town has no university, but many points of interest, and is larger than Eugene. Population: 25 000. Every one at the house would welcome you, down to the cat, which is usually very friendly. What a nice talk we could have about Eugene and our friends there.
My book is finished, even set in type, ready for printing, after submitting to the University as a thesis. It will have 375 printed pages, including the bibliography and the Index. I hope to obtain that D’s degree during the coming winter. Than I won’t know what to do with it, for I have not decided to teach. It might be interesting if I were a very young man, but I do not think the University could offer me a tempting salary, comparing to what I have here. Not that it is a fortune, but still better than many professors having in Montreal or Quebec.
By the way, would you be interested in looking over my chapter about the Northwest, which includes Colorado? I am sending you proof sheets under separate cover. If you have the courage to read it, please tell me what you think about it and do not hesitate to indicate to indicate errors, if any.
Do you think you could find for me, in some of your bookshops, certain novels set in Colorado? I have read them through loans, but have not been able to find them for my library. That is, at decent prices. In New York, some of them were offered to me at prohibitive prices, as if they had been Americana centuries old. This I cannot afford. I would be satisfied with good second-hand copies, costing about a dollar, more or less.
The titles I want:
Gardiner: Snow Water and The Golden Lady;
Waters: Wild Earth’s Nobility, Below Grass Roots, Dust Within the Rocks;
Sykes: Second Hoeing.
These are analyzed in my book, but I would like to own them and have them at hand, when needed.
Am glad to hear that Dr. Bowen had found occupation, after his retirement from Oregon U. Life will thus be easier for him. A man cannot stay idle after being busy for so many years. While [in] Berkeley, Cal., I found a small book written by him, a study of the French novelist Ferdinand Fabre. I’ll show it to you when you come here.
By the way, try to arrive not too late in June, next summer. For I may be in Vancouver by the 15th, for the convention of the Royal Society of Canada. I may also, during my stay out West, make a detour through Wyoming, at Laramie. As soon as you reach Montreal, you can easily phone at any of these numbers: Office, 37; Home, 1345 W.
I hope your plans can be carried out and wish you all kinds of successes. It is always a pleasure to hear from you.
Sincerely,
Lettre 2
FHB 298/011/007
Le 15 décembre 1947
Ma chère demoiselle Crane,
Je vous remercie sincèrement des deux ouvrages, reçus ici en parfait état, malgré toutes les restrictions du gouvernement quant aux importations des États-Unis. J’avais bien l’intention de les payer régulièrement et votre décision à ce sujet me laisse confus. Veuillez-le ou non, je vous adresserai d’ici peu quelques volumes canadiens, ne serait-ce que pour me rappeler à votre souvenir.
Quant aux autres romans mentionnés dans ma dernière lettre, je croyais que vous pourriez peut-être les trouver autour de chez vous. Ne donnez pas suite aux recherches à New York. Si on les trouve dans la métropole, ce qui est possible, on vous en demandera des prix prohibitifs : de $ 2.50 à $ 3. le volume, pour des exemplaires d’occasion. Je le sais d’expérience. La valeur marchande des livres usagés, catégorie de ceux désirés, est d’environ $ 1 chacun. Si vous ne trouvez rien à Col. Springs, et à l’occasion à Denver, n’y pensez plus. Je vous remercie quand même.
Mon voyage dans l’Ouest canadien devient très incertain. Il y aura probablement ici des élections, l’été prochain, et il me sera alors impossible de m’absenter. À tout événement, il vous sera toujours facile de vous rendre à Saint-Hyacinthe, même de Québec, qui n’est qu’à environ quatre heures de distance, par train. Si je suis ici à votre arrivée, je vous rencontrerai à Montréal avec ma fille, vous amènerai à Saint-Hyacinthe, d’où vous pourrez continuer facilement vers Québec, à votre convenance, de jour ou de nuit.
Quant à votre séjour dans une famille canadienne-française, il ne vous apprendra absolument rien. La vie est ici absolument la même que chez vous, dans tous les ordres d’idées ou à peu près. La vie est ainsi standardisée dans toute l’Amérique du Nord. J’ai visité plusieurs foyers américains durant mon voyage de 1943, à l’est comme dans l’ouest, et ne n’y ai vu que la répétition, en plus grand ou en plus petit, de ce que nous avons ici.
À tout événement, nous serons très heureux de vous recevoir et de vous montrer un peu de notre pays, qui est très beau, très vivant et très riche. La région que nous habitons est au point de vue agricole l’une des plus caractéristiques de la province.
Pour en revenir à votre voyage, l’important est de me laisser savoir la date de votre arrivée, et je me charge du reste. Si par hasard vous descendez à Montréal sans avoir pu me notifier exactement de votre arrivée, vous pouvez facilement me téléphoner et j’irai vous chercher, même le soir. Voici d’ailleurs mes numéros de téléphone : au bureau, 37; à la maison, 1345 W. Je crois vous l’avoir déjà dit, Saint-Hyacinthe n’est qu’à trente minutes de Montréal, par auto. Nous y allons à tout propos, en moins d’une heure.
Je vous remercie de vos remarques quant au chapitre de mon livre. Vous avez raison pour Radcliffe; je corrigerai. Pour ce qui est de mes grandes divisions territoriales, j’ai accepté celles d’Odum and Moore, dans American Regionalism. Je dis pourquoi dans mon Avant-Propos. Ainsi s’explique ma classification du Kansas.
Vous me dites peu de chose sur le chapitre soumis, sur cette partie surtout qui a trait au Colorado. Croyez-vous que je donne là un tableau assez complet de la littérature de l’État – sous l’angle roman, naturellement? Je serais curieux de savoir si vous vous attendiez à plus ou à moins? Je résume nécessairement, mais j’ai essayé de donner une idée aussi juste que possible de la situation jusqu’en 1940. L’important, c’est que je n’aie rien oublié d’essentiel. Mais nous reparlerons de tout cela en terre canadienne.
Je profite de la circonstance pour vous adresser mes meilleurs vœux, à l’occasion de la Noël et du Jour de l’An. Vous y serez ou presque, quand vous recevrez cette lettre. J’espère que la santé de votre père va en s’améliorant et qu’il vous verra partir pour le Canada, dans quelques mois, avec autant de satisfaction que nous à vous accueillir ici.
Sincèrement à vous,
Lettre 3
FHB 298/045/005
Le 5 juillet 1948
Chère mademoiselle Crane,
J’ai reçu ce matin votre lettre et vous remercie. Je suis content d’apprendre que vous vous plaisiez à Québec, et vous souhaite dans vos études tous les succès.
Dois-je comprendre que vous suivez les cours d’été, en attendant de suivre les cours réguliers de l’automne, ou retournerez-vous au Colorado à l’automne, pour revenir l’été prochain? Je ne suis pas fixé là-dessus, bien que la première hypothèse me paraisse la plus vraisemblable.
Il est vrai, hélas! que nous sommes en campagne électorale. Je suis d’autant plus occupé que le président de notre compagnie est le candidate de l’Union nationale dans notre comté. Mais cela ne vous empêcherait pas de venir faire un tour, d’ici la mi-juillet ou environ. Après, le travail va sûrement s’intensifier. Nous pourrions facilement vous recevoir en cette fin de semaine, ou la prochaine, 17-18.
Pour ce qui est du mois d’août, je dois partir en vacances le 5, pour ne revenir à Saint-Hyacinthe que le 22. Je le regrette, mais je ne puis changer ces dates, pour diverses raisons. La principale, c’est que nous fermons totalement nos bureaux et ateliers pendant une partie de la période dite, pour les vacances de nos employés.
À bien y penser, le meilleur temps pour votre voyage serait peut-être la dernière fin de semaine de juillet. Les élections ont lieu le 28, comme vous savez. Sauf empêchement imprévu, je serais entièrement libre, du 29 juillet au dimanche, 1er août. Est-ce que cela vous irait?
Je regrette d’avoir à vous donner ces précisions, mais les circonstances le veulent ainsi. Nous serons tous très heureux de vous recevoir et de vous montrer une région que vous ne connaissez pas. Je vous laisse donc ce choix : 9-10-11 juillet, 16-17-18 juillet, 30-31-1er août. Est-ce que l’une ou l’autre de ces fins de semaine vous conviendrait?
Lettre 4
FHB 298/045/005
San Jacinto
17 de Marzo de 1950
Señorita Helen E. Crane
Colorado Springs
Col.
Muy estimada Señorita,
Le agradezoo muchissimo su carta de fecha 1 de Marzo, recibida pocos dias después de mi llegada a San Jacinto. Hacen ya tres semanas que estoy en mi casa y tengo que decir que mi viaje a Europa fué perfecto en todo punto de vista. Es solamente une verdadera desgracia que no haya polido gazar más de la incomparable hermosura de Paris, de la eterna Ciudad de Luz. Siempre es linda, alege y muy limpia la encantadora capital de Francias, o mas bien de todo el mundo. Durante mi estadia en dicha capital he tenido el tiempo de ver y admirar varios monument tos y palacios importantes, pero nunca olvidaré docenas y docenas que faltan en mis recuerdos. Después de mi regreso y cada dia más y más siento el deseo de perderme en el sueño tan breve que he vivido allá.
Dicen que la vida es casi normal en Parίs; pero por mi manera de ver, los habitantes parecen probres en general no podiendo comprar facilmente las cosas que necesitan. Las tiendas ricas estan llenas de mercaderias de todas catagorias, pero, el dinero es raro en todas parter. Los precios estan muy altos, y creo comprender que los hombres de condicion humίlde, obreros y otros del pueblo, no ganan mas que cincuenta o sesenta dolares por mes. En los retaurantes parisienses, una buena comida cuesta tres dolares o mas, especialmente al lado derecho del Sena. A la izquierda, por ejemplo, en el Barrio Latino, se hallan precios más razonables, pero todavia, muy caros para los ciudadanos.
No obstante, he hallado Paris muy agradable, desde la mañana hasta la noche. No ignora Ud., señorita que la vida nocturna es muy active en Montmartre y otras partes de la ciudad. Al ejemplo de todos los visitantes, he visto varios teatros y cabarets extravagantes, en los cuales, si sirve el « Champagne frappé », mientras bailan y se muestran – como dicen – las chicas sin ropas. Durante el dia, he tenido el placer de visitar Nuestras Señora, los palacios de Versailles y del Louvre, el terno de la Estrella y el Arco del Triumfo, la Basilica del Sagrado Corazón, la Torre Eiffel, el museo Rodin, etc. Tenia poco tiempo pero no he perdido dos minutos. Sin embargo, no he visto bastante, y no seré satisfecho si novuelvo otra vez en Francia, uno de estos dias.
Todas esas cosas son muy interesantes para los forasteros, peron los Franceses no parecen felices, y hay muchos jovenes allá, de ambos sexos, que deseran expatriarse en las Americas, del norte or del sur, esperando descubrir en el nuevo mundo, un mode de vivire mejor que en su tierra. Se presenta asi la situacion, y no parece buena. En todo caso, tal es mi impresίon.
No diré mucho de Roma o Londres, porque no he podido verlas tento como Paris. Me ha gustado la Antigua ciudad italiana, pero mis observaciones estando tan superficiales, no podria tartar con justicia de su espiritu o de su populacion.
Como sabe Ed., he salido del Canada por aeroplano acompañado de tres amigos mios, periodistas como yo. Estabamos delegados al congreso internacional de la prensa catolica en Roma, donde estaban tambien catorce otros periodistas canadienses. En Europa, hemos tenido que viajar por via aerea de un pais al otro, dejando el suelo once veces en semanas. Estaba mi primera experiencia en el aere, y tengo decir que jué sencillamente perfecta.
Ahora, el maracilloso viaje pertenece al pasado. Eso da lastima. Sin embargo, me Consuelo con la esperanza de volver a ver a Paris antes de morir.
Esparo que mi castellaño no sera demadiado barbaro, y que podra Ud., comprenderlo. Ud. Me ha hecho saber en su ultima carta que le gustaria escribirme en español. Es por qué he creido que esa tentativa mia en el idioma de Cervantes y Franco podria darle un momento de diversίon. Recibiendo estas lineas tenga Ud., la bondad de sentarse un poco y de no burlarse del autor.
Eso dicho, es grato suscribirme atento y seguro servidor.
Lettre 5
FHB 298/045/005
Saint-Hyacinthe
Le 28 juin 1951
Chère mademoiselle Crane,
Je réponds brièvement à votre dernière carte, car je n’arrive pas à mettre de l’ordre dans mon bureau, depuis mon retour de Paris.
S.I.F., cela signifie Service d’Information Français. Vous voyez donc d’où part le coup!
Est-ce que vous avez renoncé au voyage de Paris, puisque vous voilà rendue à Québec? Je n’y comprends plus rien.
Je ne me suis pas rendu à la Pension Jeanne. Parce que j’ai trouvé en arrivant à l’Hôtel Sainte-Anne, rue Sainte-Anne, où j’étais l’an dernier, une excellente chambre avec salle de bain, au prix assez modique de $3 par jour. Dans ces conditions, je ne me suis pas amusé à me promener d’un endroit à l’autre. D’autant plus que j’étais au centre de tout, dans le quartier de l’Opéra, à deux pas du Louvre, du Palais Royal, de la Comédie française, etc.
J’ai fait un voyage très intéressant, tant par les lieux visités que par les personnes rencontrées. Je ne puis songer à vous raconter aujourd’hui. Mais vous viendrez à Saint-Hyacinthe, un de ces jours, et je vous dirai le long et le court. Je prendrai mes vacances – en forêt naturellement – du 9 au 26 août. Comportez-vous en conséquence.
J’espère que vous vous portez bien, et votre thèse aussi.
Sincèrement,
Lettre 6
FHB 298/045/005
Saint-Hyacinthe
Le 19 juin 1964
Dear Miss Crane,
Quiero darle mis gracias para su abable invitacion, pero no creo poder aceptarle facilmente.
Pensamos mejor, mi esposa y yo, que venga Usted en San Jacinto, donde sera nuestro placer recibirle en los ultimos dias de Agosto.
Tenemos para Usted une alcoga completa y mut comoda, y le invitamos aceptarla con la misme simpleza que es la nuestra en ofrecerla.
Importa mucho que veia la casa nuestra y los cambios que ha conocido desde su visita en 1957. Va Usted hallar con nosotros buena cama, cenas, flores, sonrisas y sobre todo la sincera amistad que sabe.
J’espère que vous avez compris tout cela et que rien en mon espagnol ne trahit la pureté de mes sentiments ou de mes intentions.
We wish to thank you once more for your kind invitation in Montreal, but we would be so glad to receive you in this house of ours which has become a real home since your last visit.
Nous comptons sur vous. Nos amitiés et notre meilleur souvenir, dont vous ferez large part à Mademoiselle votre sœur.
Sincèrement,
Lettre 7
FHB 298/045/005
Saint-Hyacinthe
Le 19 août 1964
Chère mademoiselle Crane,
Un mot seulement, en vitesse – si vous le permettez.
Nous arrivons de nos vacances, ma femme et moi. Je suis seul au bureau, mon adjoint prenant maintenant ses vacances, et je suis débordé.
Il est bien entendu que nous vous attendons à Saint-Hyacinthe, plutôt qu’à Montréal, où il n’est pas facile de me rendre de ce temps.
Le plus simples pour vous serait de vous rendre de Québec à Saint-Hyacinthe par train, CNR, et de continuer ensuite vers Montréal à votre convenance, pas train ou autobus, et peut-être trouverais-je le moyen de vous y conduire en voiture. Comme vous le savez, nous ne sommes qu’à 35 milles de la métropole.
Dites-nous le jour et l’heure de votre arrivée, et nous serons à la gare pour vous accueillir. Vous pouvez aussi faire le voyage pas autobus. Vous informer à Québec.
Nous vous attendons, et serions heureux de vous montrer« a house that became a home. »
Sincèrement à vous,
Lettre 8
FHB 298/045/005
St. Hyacinthe
August 24, 1964
Dear Miss Crane :
Any Saturday is perfect with us, but this coming Friday would still be better. For I now leave the office at noon every Friday and do not return until the following Monday, my assistant taking charge in my absence – when necessary.
So, my advice is you should leave Quebec any time during the day Friday, spend the rest of the day and the night with us, in a room especially reserve for you. You could leave any time at your convenience, Saturday or the following Sunday, bearing in mind that Montreal is only some 35 miles away from us.
So, once more, do according to what seems best to you and advise me, if possible, of time of arrival and where, and I will be there to meet you. If otherwise, pho as soon as you arrive (4-5153), and we shall also be there.
Looking forward to, etc., nous vous adressons, Alice et moi, comme l’on dit en France, nos salutations les plus distinguées.
Sincèrement,
P.S. As far as I know – unless everything has been changed – there are more than one CNR trains per day, from Quebec to St. Hyacinthe. But some of them, coming from the Maritime Provinces, you may have to board at Levis across the St. Lawrence. A little more troublesome, but often preferable to the rest.
Lettre 9
FHB 298/045/005
December 18, 1970
My dear Miss Crane,
Permit me to type this note, which is so much easier for me, as I am growing older – a little more each day. I cannot tell you much about the European trip, or the Asian one, or anyone, because we just did not move. We were going to leave for Europe on Sept. 10, and I entered the hospital on the 9th on the same month. You see the picture. I am now feeling better, and Alice also feels rather well, although her heart is in a worst state than mine, according to the doctor. But women can stand so much more than men, as any of our neighbors would say. We are now planning to leave for the Balearic Islands on the 15th of February, the double object of taking a rest and probably poke my nose in Algeria, Alger or Oran, or both. Alger is only 200 miles from Palma de Majorca. One day, I hope, we will be in Colorado, and we’ll go sightseeing together.
Laporte was a good friend of mine, and we had a long conversation with him, my wife and I, meeting him on the ferry between Sorel and the St. Ignace Island, in the summer of 1969. His untimely death horrified me. I did not think they would dare to it. I have not written any other books, but I may write some journalistic souvenirs, some day. More than 50 years in the mill. As far as I know, my daughters are well enough. The elder returned to Caracas with her family, and Marcelle lives two doors from me. As I sometimes say, one is too far and the other is too near. The black cat is well, thanks. Only nine years young and going strong. I have had no news from the Sister you refer to and her thesis. We still have the garden, but all the flowers have been [repla?] by snow. Our beat regards to you both.
Most sincerely,
Lettre 10
FHB 298/045/005
Saint-Hyacinthe
January 13, 1971
Dear Miss Crane:
Just a few words, to let you know the latest news:
1. We have more than three feet of snow, to compare with your six inches.
2. We’ll send you some snapshots before very long.
3. Louella came from Caracas to spend the holidays with us and she stayed two full weeks.
4. I have started writing some souvenirs, and still wonder what it will give.
5. My health seems to improve and we should leave on the 15th February from Pal de Majorca, if nothing comes in the way.
6. I am including some more stamps that may be useful to you, although my better half fears that such a procedure might be insulting.
7. To the stamps and the rest, I am adding our best wishes, my wife sharing in, to both of you.
Sincerely,
Lettre 11
FHB 298/045/005
Le 8 décembre 1972
Mademoiselle et chère amie,
Votre lettre nous a fait grand Plaisir, à ma femme et à moi, nous rappelant que nous existons encore pour quelques-uns. Nous avons perdu tant d’amis avec les années, et tant d’autres nous oublient.
Nous sommes peinés de vos ennuis de santé et nous espérons que tout ira pour le mieux, le plus tôt possible.
Nous avons eu aussi notre part, moi surtout, qui me suis permis en juillet dernier ce qu’on appelle, dans le jargon convenu, une thrombose coronarienne, agrémentée d’un infarctus. Ce qui s’est soldé par trois semaines d’hôpital et une condamnation, non pas à mort, mais à une existence au ralenti. Cela va bien pour l’instant, mais nous ne lassons pas d’être inquiets. Par un heureux retour des choses, Alice se sent mieux que jamais et c’est elle qui, de plus en plus, est en train de devenir l’homme de la famille. Je suis, en définitive, bien heureux de l’avoir.
Nous sommes à peine de retour, en février (1972), de Caracas, où nous avons passé une quinzaine avec Louella et ses deux enfants. Nous l’avons regretté, mais son mari se trouvait absent, parti donner des cours d’enseignement du dessin à Quito, en Équateur. Louella est fort bien, à la veille d’avoir cinquante ans – ce qui ne me rajeunit pas. Guy, mon petit-fils, a dix-huit ans et mesure six pieds de haut, tandis que sa sœur Mireille en a dix-sept. Celle-ci doit venir nous voir l’été prochain.
Quant à Marcelle, elle aussi se porte bien. À quatorze ans, sa fille est presque aussi grande qu’Alice et fort jolie, aussi brune que Mireille est blonde.
Ce que vous nous dites de Colorado Springs ne m’étonne guère. C’est la même chose au Canada, partout. Québec n’est plus Québec et Montréal souffre aussi de gigantisme. À Caracas, c’est la vie à l’américaine, partout. Hot-dogs, cokes and Cadillacs.
Nos vœux les meilleurs pour Noël et la nouvelle année.
Lettre 12
FHB 298/045/005
December 15, 1973
Dear Miss Crane and Miss Crane.
We are well enough and wish to thank you. Your hospital adventure was a surprise for us and we hope you are now better for good.
I know about hospitals. Spend two months in some, last year, in St. Hyacinthe and Montreal. Am well enough now, physically speaking. The rest very poor. Have trouble writing a letter, only beginning to sign my name.
Gilbert, or rather Georges Cesbron, is a well known writer. He was recently in Montreal and I saw his face on the radio. I would like very much to have Estaunié’s Souvenirs. Do you know where I could find them?
Louella just spent two weeks with us, coming from Caracas. Her Guy has now reached his six feet going up. I will send pictures of Marcelle’s children, one of these days. Her little girl is now fifteen and she is high as I am.
We have a young cat to replace the old one. He is just a year old and weighs 15 lbs. Am sending his picture.
I had two strokes last year, in six months. I pulled through, but I am not much able. My wife has to do everything for me, even driving the car. I know Miss Daigle well.
My best souvenir and remember me to Miss Christine. Very truly yours,
Lettre 13
FHB 298/045/005
Le 27 mai 1974
Ma chère demoiselle Crane,
J’ai reçu le livre et j’en suis enchanté. Dommage, comme vous dites, que le premier paragraphe du chapitre d’introduction ait été gâché, mais le reste est parfait.
J’ai encore l’article de Mlle Christina, qui date de 1949, sur Estaunié, disciple de Balzac. Je viens de le relire et je note qu’à l’époque, Estaunié était déjà mort depuis 1942. Je crois comprendre que Mlle C. a en main des lettres d’Estaunié qui datent d’environ 1928-1932, et ce sont là des documents de premier ordre. J’ai lu plusieurs ouvrages de l’auteur, mais mon préféré est La Vie secrète, que j’ai dans une belle édition de luxe, tirée à 815 exemplaires, dont j’ai le no 624.
La signature de Mlle Christina, jointe à la vôtre, m’est un témoignage précieux.
Je vous adresse, sous autre pli, une brochure sur les timbres des États-Unis et du Canada, qui devrait vous intéresser.
Je vous enverrai des photos de Marcelle et de ses enfants, quand elle finira par m’en remettre. Avec elle, rien ne finit jamais.
Notre petit chat aura deux ans en août et il dépasse ses quinze livres en poids. Il mange comme deux hommes ou quatre chats.
Veuillez croire à nos amitiés,
Harry Bernard et Alice
Lettre 14
FHB 298/045/005
Le 26 juillet 1974
Ma chère mademoiselle Crane,
Je m’excuse d’avoir tant tardé à vous répondre, mais mon état de santé ne me permet pas de faire ce que je veux, quand je le veux.
Je vous remercie des détails obtenus sur mon excellent ami, le Dr Malcolm C. Wyer. Un autre de mes amis qui est parti. Comme tant d’autres. Cet homme a laissé des œuvres de première importance, que je regrette de n’avoir pas aujourd’hui. Mais je n’avais pas, dans le temps, les moyens de me les procurer.
Je vous adresse sous autre pli trois brochures sur la philatélie, deux américaines et une canadienne, qui devraient vous rendre service avec le temps.
J’ai trouvé, dans ma bibliothèque, un ouvrage de John Charpentier, consacré à Estaunié (Firmin-Didot et Cie, Paris, 1932).
Veuillez me rappeler au bon souvenir de Mlle Christina. Ma femme se joint à moi, qui a tant de mérites à m’aider à tenir le coup, jour après jour.
Sincèrement à vous,
Lettre 15
FHB 298/045/005
Saint-Hyacinthe
Le 19 décembre 1974
Ma chère mademoiselle Crane,
Je vous remercie de vos bons souhaits. Je vous transmets les miens, ou les nôtres, avec un peu de retard. Comme d’habitude. Je suis toujours en retard. Il va sans dire que nous n’oublions pas Mlle Christina.
Je continue à me bien porter, c’est-à-dire assez mal. Très bien, selon mon entourage. Plutôt mal, à mon point de vue. Je continue d’être mêlé, j’ai mal à m’exprimer, je ne trouve pas mes mots. Il me faut demander à ma femme les mots dont j’ai besoin, même pour faire les commissions de la semaine.
Je suis devenu tout à fait sourds je ne puis conduire ma voiture. Je me suis procuré un appareil auditif. Perfectionné, à ce qu’il paraît. Cela coûte dans les $400.00, et cela donne du résultat pour environ 50 cts. Mais tout le monde est content, y compris le vendeur.
Je vous prie de croire à nos amitiés les meilleures.
Je vous enverrai des photos de Marcelle et de ses enfants, quand j’aurai réussi à en obtenir. Avec Marcelle, on attend son tour. Et longtemps.
Sincèrement,
Lettre 16
FHB 298/045/005
Saint-Hyacinthe
Le 17 février 1976
My dear Miss Crane:
Sorry I could not write since we had your Christmas letter. My health is not too bad, but not too good either. Am getting old, that is 78 in May.
I understand the trouble you having around your house. We have the same. Which is rather bad, with some snow that never stops, and the cold is terrible this year. It is costing a fortune to keep our entrance in shape.
Our different municipalities have agree to get together and we have now a population of about 45,000
Cost of living has more than doubled, and for meats three and four times what they were before.
Gas sells for almost 0,80 per gallon, which helps us to stay at home.
Louella came from Caracas to spend about three weeks with us. Her daughter is now married and her little son, now aged 21, is only six foot high.
Our best regards for both of you from Alice and myself.
You have no idea how hard it is for me to write a simple letter. And I used
to write all day to make a living.
Sincerely,
5 Lettres à Raymond Douville
Lettre 1
FHB 298/045/008
Le 17 septembre 1937
M. Raymond Douville
Le Bien public
Trois-Rivières
Mon cher Douville,
Nous avons payé notre cotisation à l’Association des Hebdos chaque année, de façon régulière, et nous n’entendons pas payer deux fois en 1937.
Le 28 février 1936, vous avez reçu notre chèque no 3732, pour $5; le 19 avril 1937, notre chèque no 4067, pour $7. Vous recevrez maintenant un chèque au début de l’année 1938, et pas avant.
Je ne sais comment votre comptabilité est tenu, ni comment vous appliquez les chèques reçus, mais je sais que nous ne payons qu’une fois l’an, et que nous avons l’intention de continuer en ce sens.
Je regrette, mais c’est le mieux que je puisse faire dans les circonstances.
Sincèrement,
Harry Bernard
pour Le Courrier de Saint-Hyacinthe
Lettre 2
FHB 298/043/003
Le 17 mars 1940
M. Raymond Douville
Le Bien public
Trois-Rivières
Mon cher Raymond,
Je note ce que tu me dis au sujet de l’octroi aux hebdos, et je ne suis pas enthousiaste des choses que tu laisses prévoir.
À tout événement, je crois qu’il faut procéder avec prudence, en temps utile. S’il est impossible d’obtenir ce que nous avion, fais donc l’impossible auprès d’Hébert pour obtenir quelque chose. Et je m’explique. Je crois qu’il faut mettre de l’avant, avant tout, le bien de l’Association. S’il est nécessaire, nous ferons comprendre aux hebdos qu’ils devront, individuellement, renoncer à leur part du gâteau. Les journaux ont pour vivre leurs ressources ordinaires, mais l’Association n’a rien ou à peu près. De sorte que, s’il était possible d’avoir un octroi de mille dollars au moins, je serais d’avis que tout soit versé au trésor de l’Association, afin de permettre à celle-ci de fonctionner normalement. S’il est nécessaire aussi, et bien que cela me répugne, il faudra peut-être couper les salaires du secrétaire et de l’agent d’affaires, en commençant d’abord par ce dernier. Je ne veux persécuter personne, ― tu me comprends bien, ― mais il faut à tout prix prendre des mesures pour que l’Association survive. Elle nous a rendu trop de services dans le passé pour qu’on puisse prendre le risque de la voir s’étioler et crever peu à peu. N’es-tu pas de mon avis?
Confidentiellement : j’ai vu ce matin Gustave Morin, secrétaire de M. Bouchard. Il m’a dit que notre manière de faire, à l’assemblée de dimanche dernier, était dans la note, et que le ministre pensait comme nous, bien qu’il ne puisse faire de déclarations officielles sur le sujet. Bouchard nous conseille de ne rien accepter des offres possibles du gouvernement, et de garder l’attitude prise.
Si les choses se mettaient au pire, il est d’avis que nous ferions bien de mener campagne dans tous nos journaux à la fois, tant anglais que français. Devant une campagne concertée, le gouvernement n’agira sûrement pas de façon arbitraire. Morin est bien d’avis, après avoir consulté son chef, que le contrat collectif ne nous sera pas imposé. Il est aussi fort satisfait de l’attitude que nous avons prise. Selon toutes apparences, Rochette ne prendra pas de décision sans avoir consulté Bouchard, Matthewson, Dansereau et probablement Rochette lui-même, qui comprend l’essentiel de notre situation.
Tu agiras donc en conséquence, en toutes occasions. Mais fais particulièrement attention, en ce qui concerne l’octroi, et obtiens au moins, pour l’Association, si tu n’obtiens rien pour les membres. Il vaut mieux perdre l’accessoire et sauver le principal.
Sur ce, je te salue,
Sincèrement,
P.-S. – Envoie-moi donc la liste complète de nos membres, afin que je leur fasse tenir, dès cette semaine, une copie du Mémoire adressé aux hon. Godbout et Rochette. Merci.
Lettre 3
FHB 298/043/003
Le 22 avril 1940
Mon cher Douville,
J’estime qu’il n’y a pas d’imbroglio des salaires. Le cas est clair, et nous l’avons réglé d’après la législation. Je t’assure que, pour ma part, je n’ai pas l’intention de changer quoi que ce soit. Tu peux donc jouir de ton chèque en toute sécurité. Tu sais d’ailleurs qu’un oiseau dans la main vaut mieux que tous les oiseaux du monde, loin de la main. Sur ce sujet, il n’y a qu’un point sombre : le salaire de Lafrenière. Il faudra payer Lafrenière comme, les autres, dès que tu auras de l’argent. Et je crois que nous n’aurons pas à consulter là-dessus.
Entre temps, as-tu entendu parler de l’octroi? Aurons-nous finalement cet octroi? Et y a-t-il chance qu’il ne vienne pas? J’aimerais bien être fixé là-dessus.
Dans le chèque que j’ai eu le 13 mars ($13.84), mes émoluments de la dernière assemblée étaient compris.
Pour ce qui est du congrès, j’ai fait les arrangements avec Laframboise, et j’entends qu’ils soient définitifs. J’étais d’ailleurs autorisé à procéder. Dès que le temps sera venu, il y aura à imprimer le programme du congrès, qui se tiendra à N.-D.-de-Pontmain, les 12, 13 et 14 juillet. Il en coûtera $155 pour l’usage de tous les camps et de toutes les chaloupes (14), pendant la durée du congrès. Ceux qui voudront des moteurs pourront en louer à raison de $1 par jours, plus le prix de l’essence et de l’huile. Les repas coûteront 0,50 sous chacun. Il y aura de la place pour 70 personnes, et plus. La glace sera fournie pour ce qui a trait aux exigences de l’alcool, sous toutes ses formes. J’essaierai d’emporter d’ici un radio portatif et un phonographe avec disques. Dans l’ensemble, je crois que nous ferons beaucoup mieux qu’à North Hatley.
Sur ce, je te salue.
Lettre 4
FHB 298/011/004
Le 14 mai 1953
Mon cher Raymond,
Fais-moi envoyer sans délai 100 autres ex. des Portages.
J’ai de vendu, en tout, au moins 500 exemplaires, sans compter ceux déjà reçus. J’attends d’avoir les commandes officielles pour te demander d’expédier. Arrange-toi donc pour me garder 450 ex. de façon certaine. J’espère que vous pourrez me donner l’escompte de 45 p.c., soit l’escompte de 500 et plus, pour l’ensemble.
D’autre part, avez-vous fait la distribution à Montréal, Québec et autres villes? Il faudrait s’occuper des principaux endroits, afin qu’on y ait du stock quand la publicité commencera pour de bon. Je vais à Montréal samedi, pour tâter Granger et Beauchemin, si ce n’est déjà fait. Vous pourriez vous occuper de Québec.
La publicité s’organise. Ma nouvelle, annonçant le nouvel ouvrage, a déjà paru dans La Patrie, Montréal-Matin, L’Action catholique, la Tribune de Sherbrooke et la Voix de l’Est de Granby. Grignon parlera de l’ouvrage à la radio, dimanche prochain, le 17; il l’a annoncé. Bonenfant m’assure qu’il en parlera à la radio prochainement et me donnera un article à Culture. Le Dr Boucher (Roméo) m’a promis un article dans son Actualité médicale. J’ai fait le service du livre aux hebdos susceptibles de marcher avec nous : Le Lingot, le Progrès du Saguenay, la Frontière de Rouyn, la Chronique de Magog, Joliette-Journal. Conrad Boisvert et Édouard Hains m’ont promis chacun un article. Un autre m’en promis par J.-L. Dussault dans Chasse et Pêche, qui m’a téléphoné pour me dire comme il est enchanté de l’ouvrage. En résumé, cela s’annonce assez bien partout.
Quelle est la marche de la vente dans la région trifluvienne? Où en êtes-vous rendus dans l’ensemble? Tu serais bien aimable de me donner quelques précisions.
En ce qui concerne l’ouvrage, il faudra ajouter en frontispice une carte de la région concernée, si l’on rééditait. Cela m’a été demandé ici par des lecteurs, qui n’arrivent pas à se situer comme ils le voudraient. Personne de nous n’a pensé à l’utilité d’une carte. Si l’on réédite – ce que j’espère – il y aura deux corrections à faire : mettre la mention de la Société Royale du Canada sur la couverture, et mettre à l’endroit (dans la page), le cliché de coucher de soleil. Sur ce, salut.
Lettre 5
FHB 298/011/004
Le 22 mai 1953
Mon cher Raymond,
Je te transmets mes principales commandes, que je reçois officiellement. Tu voudrais bien les faire exécuter le plus tôt possible.
La Commission scolaire de Montréal, qui acceptait de mise sur 100 exemplaires, m’annonce qu’elle en veut maintenant 300 – après examen de l’ouvrage.
Guy Boulizon me mande qu’on lui a demandé un texte pour le Service international de Radio-Canada, sur un livre canadien. Il a choisi de parler des Portages.
Peux-tu répondre à mes questions :
a/ Mgr Tessier est-il revenu?
b/ Le tirage est-il de 5 000?
c/ Combien d’autres exemplaires J.-M. Houle a-t-il placés?
La commande de Beauchemin est de 300 ex., mais j’en ai déjà livré 25 de mon bureau, sur demande expresse. Ce qui explique les 275 que je demande pour cette maison.
J’ai vu Jacques Girouard hier et tout va bien. Je n’avais pas conclu de façon finale, mais je crois que mes demi-déductions étaient pour le moins hâtives.
Je te salue sur ce et attends de tes nouvelles. Pas de phrases, mais l’essentiel.
Sincèrement,
1 Lettre à Donatien Frémont
FHB 298/011/001
Le 16 juillet 1931
M. Donatien Frémont
La Liberté
Winnipeg
Cher monsieur Frémont,
Je viens de commettre un nouveau livre, un roman, et c’est pourquoi je vous écris. C’est que j’ai eu l’audace d’en situer la trame dans l’Ouest canadien, ou, pour être plus précis, dans la Saskatchewan centrale.
Il y a longtemps que l’idée me préoccupe d’un roman de l’Ouest canadien-français. Aussi, quand j’ai fait en 1927 le voyage de Liaison française, je vous prie de croire que je n’ai pas perdu mon temps. J’ai regardé autour de moi, j’ai interrogé les gens, j’ai pris des notes nombreuses. Depuis, je n’ai cessé de me documenter sur l’Ouest, sur les mœurs, les travaux, les saisons et les climats, etc. En vérité, je travaille tranquillement, depuis 1927, sur l’ouvrage que je vous présente aujourd’hui.
Je voudrais maintenant vous demander un service, puisqu’il est dans le ton de demander des services à ses amis. Avec votre permission, je vous adresserais le manuscrit, ou plutôt le machinescrit de mon livre. Le texte n’en est pas encore tout à fait définitif, mais il se lit. Je vous demanderais donc d’en prendre connaissance et de l’écheniller soigneusement, au point de vue des erreurs, anachronismes, naïvetés, – touchant la vie de l’Ouest et de la Saskatchewan en particulier– qui auraient pu s’y glisser. J’ai fait pour le mieux, avec le plus de soin possible, mais je suis fort loin des sources de renseignement, et je ne puis pas toujours contrôler sur place. Naturellement, si vous rencontrez aussi des fautes de langue ou des insanités de quelque nature que ce soit, vous voudrez bien me les signaler par-dessus le marché.
Sauf avis contraire, je vous adresserai donc mon texte d’ici quelques jours. S’il vous est possible, retournez-le-moi assez tôt, car j’ai l’intention de le donner bientôt à la composition. Je garde d’ailleurs une copie, sur laquelle je continuerai à travailler en vous attendant.
J’ai lu avec beaucoup de plaisir, et de profit, votre longue étude sur Constantin-Weyer. Vous devriez continuer ce travail : une espèce d’examen sur les ouvrages traitant de nos provinces centrales. Il me semble qu’il y a là tout un sujet inexploité de critique littéraire compréhensive. Si j’étais à votre place, il me semble que je négligerais pas cette veine.
Je vous dis bonjour, cher monsieur Frémont, et je m’excuse de la hardiesse de ma demande. Si je vous importune trop, dites-le-moi. Si vous pouvez souscrire sans trop d’ennui à ma requête, vous rendrez service, non seulement à moi-même, mais à la sainte cause de nos lettres.
Sincèrement,
1 Lettre au R.P. Paul Gay c.s.sp.
FHB 298/010/017
Saint-Hyacinthe, le 20 septembre 1950
R.P. Paul Gay, c.s.sp.
Collège Saint-Alexandre
Limbour, via Hull, P.Q »
Mon révérend Père,
Je vous remercie sincèrement, et de votre simple lettre et de l’appui que vous m’avez accordé jusqu’au dernier moment. À mesure que m’arrivent des renseignements, encore incomplets, je crois comprendre que les juges les plus compétents penchèrent en ma faveur, ce qui n’est pas sans me flatter.
En définitive, j’ai l’impression de ne m’être pas trop mal classé, après dix-huit ans d’abstention dans le champ du roman. Il y a là une sorte de consolation, à un moment où certaines jeunes croient posséder le haut du pavé, ou d’autres ne placent la littérature qu’hors de l’œuvre bien faite. Il y a tendance, en certains milieux, à ne voir des réussites que dans les livres mal pensés, mal composés, écrits à la diable. Il va falloir réagir et j’aurai peut-être fait ma part dans ce sens.
Quant à vos remarques critiques, je crois qu’on peut en discuter. Vous l’admettez d’ailleurs vous-même. Le livre est écrit à la première personne, et les jours sont longs pour le narrateur. Il s’explique d’ailleurs là-dessus. J’ai essayé de justifier le titre dans le dernier chapitre comme dans le premier.
Vous me dites qu’une seule jeune fille suffirait. J’avais besoin de la première pour faire accepter le départ pour la forêt. Autrement, invraisemblance. J’ai essayé d’éviter toutes les invraisemblances, de rester dans la crédibilité, selon l’expression de Paul Bourget. L’introduction veut montrer le caractère particulier de l’exilé, qui l’incite à prendre le bois. Vous me pardonnerez cette sorte de plaidoyer pro domo, mais il ne me paraît pas inopportun.
La grande difficulté, vous ne l’ignorez pas, dut de rester dans la note catholique et canadienne-française, dans un récit présentant une grossesse illégitime et un suicide apparent. Si j’y ai réussi, comme vous me le laissez penser, la victoire est d’importance.
Veuillez croire à mes sentiments les meilleurs.
1 Lettre à Paul Gingras, L’Action, N.-H.
FHB 298/010/016
Le 1er février 1952
Mon cher Paul,
J’accuse réception de ta lettre du 29 janvier et te remercie. Cela pourra vous aider, dans un sens, et ne me fera pas tort. Je dois reconnaître que vous êtes des gens qui acceptez de payer le travail intellectuel, aussi bien que le lavage des planchers. Ils ne courent pas les rues, même dans le milieu journalistique.
Je ne veux pas intervenir dans vos affaires, mais je crois que vous vous trompez en choisissant L’Homme tombé. Ce n’est pas le meilleur de mes ouvrages, ni surtout le mieux écrit. L’œuvre des débuts, au moment où j’avais encore beaucoup de chose à apprendre.
À toutes fins pratiques, et dans l’intérêt de votre journal, je choisirais autre chose. Juana, mon aimée, par exemple, qui a été dans le temps fort aimé du public, été qui mérita le prix d’Action intellectuelle et le grand prix David, de la province de Québec.
À mon avis, ce roman est plus de nature à plaire et vous servira mieux. Est-ce que tu m’autorises à te l’envoyer, plutôt que l’autre? À mon avis, tu ne te tromperais pas.
C’est bien en effet de Georges Désilets que je voulais parler. Je sais qu’Édouard est dans le diocèse de Saint-Hyacinthe. Son nom m’est venu naturellement sous la plume, mais c’est à Georges que je pensais. Je ne crois pas avoir su qu’il était mort. La dernière fois que je l’ai vu à Manchester, il était commis-épicier et se plaignait de sa santé. Je n’ai jamais su s’il s’était marié par la suite, ni rien de lui.
J’espère que votre journal va bien. Je ne le vois pas souvent. Si le cœur vous en dit, il y a possibilité d’échange avec le nôtre.
Meilleurs amitiés,
8 Lettres à Claude-Henri Grignon
Lettre 1
FHB 298/???/???
Le 16 novembre 1931
M. Claude-Henri Grignon
Sainte-Adèle, P.Q.
Mon cher monsieur Grignon,
Votre lettre me fait du bien. Je vous en remercie. Il y a sur la route tant de jalousies et de mesquineries, là même où l’on n’en croirait jamais rencontrer, qu’une lettre comme la vôtre encourage un peu.
Cette Juana, je l’ai faite avec tout mon cœur. Je vous avoue que je croyais avoir réussi le livre passablement. Il y a des années que je m’occupe de lettres, que j’essaye d’apprendre, de mettre sur pied des œuvres. Mes réussites n’ont pas toutes été égales, mais c’est le lot de tout écrivain.
Comme vous n’êtes pas sans l’ignorer, il s’est fait autour de mon nom des batailles acharnées. Je ne me plains de rien. D’ailleurs, cela vaut pour la publicité. Ce qui m’a le plus dégoûté, cependant, c’est qu’on a essayé de prétendre, dans des milieux dits cultivés, que je n’avais rien d’un écrivain, ni de près, ni de loin. Sans doute, je ne tiens pas plus que nécessaire à l’approbation des petits salons.
Mes livres ne sont pas parfaits, mais montrez-nous donc la perfection! Parizeau, qui m’a traité comme un salaud dans la Patrie, a-t-il tant de merveilles à son crédit? Son bout d’article est un coup de pied au derrière, sans qu’on essaye seulement de le justifier. Pourquoi?
Mon ami Harvey, dans le Soleil, vient encore de déplorer ma fâcheuse méconnaissance et mon ignorance de la langue française. Il donne cet exemple : que j’ai employé le mot « conduire », où j’aurais dû mettre, à son sens, le terme « transporter ». Je disais « conduire une récolte ». Je prends simplement mon vieux Bescherelle et je trouve : « Conduire. – Transporter d’un lieu dans un autre. Conduire du vin, des marchandises. Conduire une charrette, une voiture. » « Où conduira-t-il son argent, ses meubles, sa famille? (La Bruyère) » Et alors? Pourtant, Harvey serait le grand pontife, l’homme qui juge ce qui est bon et ce qui est mauvais. Et voilà comment on fait et défait les réputations.
Je ne sais pas pourquoi je vous dis ces choses. Sans doute qu’il fait bon de les dire à quelqu’un. Si elles vous déplaisent, mettez que je n’ai rien dit.
En attendant, Juana fait son chemin. Les critiques vraies, hors Harvey, n’ont rien dit. On dirait que la plupart cherchent à prendre le vent. Je me demande si cela ne fait pas de peine à quelques-uns que le livre soit bon. Je le crois. J’ai reçu une lettre enthousiaste de Dantin. Il me fera un article, si sa santé le lui permet. Avec le vôtre, cela fera deux, et je vous remercie sincèrement.
Quand viendrez-vous à Saint-Hyacinthe? Il faudrait continuer cette conversation ébauchée dans les Laurentides.
Je vous salue. Mes hommages à Madame.
Sincèrement,
Lettre 2
FHB 298/046/006)
Le 21 novembre 1931
[Bernard le remercie de sa critique dans le Canada et d’avoir lancé le débat.]
« Vous avez été plus que généreux. Je me demande même si vous n’avez pas exagéré? Je ne suis pas habitué, moi, à des articles de ce genre. Si je fais exception pour quelques amis personnels, mes livres ont toujours été l’occasion d’engueulades formidables. »
Il est content qu’il fasse la leçon à Parizeau, ce faux poète, selon lui. Mais : « Enfin, il est reconnu que je ne suis pas un écrivain. Pourquoi oser seulement avoir une opinion sur ces choses? »
Olivar Asselin semble lui avait reproché d’avoir fait PLONGER des rats musqués. Il cherche pour savoir s’il a raison. Il dit que Constantin-Weyer le dit aussi.
Lettre 3
FHB 298/???/???
Le 25 novembre 1931
Mon cher Grignon,
J’ai passé une partie de la journée d’hier avec vous, Asselin et les rats musqués. En tant que je me rappelle, les rats musqués plongent, quand ils sont placés de telle sorte qu’ils doivent plonger pour passer de la terre à l’eau. Sans doute, il peut leur arriver de se glisser à l’eau, de la manière décrite pas Asselin. Mais cela n’empêche que j’ai vu et entendu des rats plonger. Le bruit de leur chute dans l’eau ne fait pas l’effet d’une détonation de canon 75, bien entendu. Et je me demande jusqu’à quel point il est opportun de savoir si leur plongeon a pour l’oreille l’effet d’un ploc, d’un plac ou d’un flouc?
J’ai peut-être trop avancé quand j’ai parlé de bruit net. C »est sur l’expression net qu’on me fait de la chicane. D’un autre côté, il ne faut pas entendre les bruits de l’ouest avec les oreilles de l’est. Vous n’aurez jamais idée, à moins de l’entendre, de ce qu’est le silence des plaines de l’ouest, dans la solitude. Le moindre bruit prend un relief étonnant. J’ai expérimenté cela moi-même, au cours d’une excursion que je fis en compagnie de Claude Melançon, en 1927, dans une exploitation située à une vingtaine de milles de Delmas, Saskatchewan. J’ai essayé de décrire ce silence dont je vous parle, dans les premières pages de Juana. Imaginez, dans de telles conditions, l’effet du moindre bruit insolite. Là-bas, nous entendions le bruit des plongeons décuplé par le silence qui nous accablait.
Au surplus, je vous donne le témoignage du romancier français Constantin-Weyer, qui est calé en faune et flore de l’Ouest canadien. Je cite :
Lorsque nous arrivions auprès d’un étang, tout scintillant de soleil, c’était de suite le plongeon général de tous les petits animaux apeurés. (Manitoba, p. 56)
Il la happe d’un coup de dent, (la racine), et la met à la place convenable. Puis, il plonge à son tour. (Clairière, p. 194)
S’il y a un rat, occupé à grignoter les racines dans cet aquatique silo, il plongera et vous entendrez sous la glace un de ces floucs sur la nature duquel il n’y a pas à se méprendre. (Clairière p. 204)
Il me semble que cela suffit. Faites-en, mon cher Grignon, ce que vous voudrez. Et je vous salue,
Sincèrement,
Lettre 4
FHB 298/011/001
Le 28 novembre 1931
M. Claude-Henri Grignon
Sainte-Adèle
Comté de Terrebonne
Mon cher Grignon,
Je vous adresse sous plus une note qui vous intéressera. Il s’agit encore de ces maudits rats musqués. J’ai trouvé un savant véritable qui est absolument de mon avis, et je vous envoie son témoignage.
Je n’ai pas envie de vous donner des conseils, mais il y aurait là, si le cœur vous en dit, de quoi envoyer une jolie lettre à M. Asselin, Vous pourriez vous servir, par la même occasion du témoignage de Constantin-Weyer. Enfin, je vous abandonne le tout.
Je vous salue,
Lettre 5
FHB 298/010/013
Le 27 juillet 1932
Mon cher Grignon,
Je voudrais vous demander un service? Auriez-vous le courage de parcourir le texte d’un nouveau roman que je publierai à l’automne, et d’y dénicher pour moi les fautes de français, de logique, qui auraient pu s’y glisser. L’action du roman est située dans vos Laurentides, région de Mont-Laurier. J’ai essayé, tant bien que mal, de peindre le pays. Vous savez que je parcours sans cesse les bois et les lacs du nord, depuis trois ou quatre ans. J’ai essayé de consigner le résultat de mes observations. Dites-moi donc qu’est-ce que cela vaut?
Je vous adresse les épreuves du roman. Je vous demande en grâce de me signaler les moindres bévues, tant au point de vue langue qu’au point de vue du nord.
J’ai arrêté chez vous, le 26 juin dernier. Vous étiez absent, avec votre famille. J’ai regretté de ne pouvoir vous serrer la main. Je vous remercie sincèrement de ce que vous pourrez faire pour moi, et vous prierais de me retourner les épreuves dès que vous en aurez fini.
Sincèrement à vous,
Lettre 6
FHB 298/010/013)
Le 16 août 1932
Mon cher Grignon,
J’arrive du nord, votre pays, et je trouve votre lettre. Vos indications me sont très précieuses et je vous en remercie sincèrement. J’ai demandé le même service à l’abbé Mélançon (Lucien Rainier), que je considère, avec vous, comme un de nos rares écrivains sachant le français. À vous deux, vous me sortez de bien des trous. Je constate avec plaisir que vous me signalez ensemble, à certains endroits, les mêmes choses à reprendre. C’est à votre crédit commun.
J’ai eu bien du plaisir, de la peine aussi, à écrire Dolorès. Je voudrais tant que mes ouvrages soient vraisemblables et en même temps canadiens, c’est-à-dire offrant quelque chose de notre pays, et qu’on ne trouve pas dans les ouvrages français. Voilà quatre ans que je me tiens dans vos forêts des Laurentides, pour en saisir un peu l’atmosphère. Jusqu’à quel point ai-je réussi? Je n’ai guère parlé de vos hivers. Cela s’explique : je n’ai pas vécu chez vous en hiver et je ne parle pas des choses que je ne connais pas; secundo, mon roman se passe en quelque trois mois, fin d’été et automne, à peine le début. Cette explication vous donne-t-elle satisfaction.
Imaginez que je viens de passer quatre jours dans la région du Lac d’Argent, en compagnie de votre oncle, le Dr Grignon. Une pêche splendide : 30 truites rouges, de 1 lb 1/2 à 2 1/2, en une journée, plus une cinquantaine de livres de dorés. Si j’avais su que votre femme était à Sainte-Adèle, je lui aurais certainement laissé sa part. Mais j’ignorais. J’ai arrêté chez vous, comme je vous disais, au moins de juin. J’ai rencontré aussi, à Saint-Jovite, le Dr Henri. Charmant garçon, et plus cultivé que la moyenne de nos hommes de profession. Professionnel cultivé : [rare?] avis [?]
Quand je vais à Montréal, me serait-il possible d’aller vous voir? Je connais passablement votre histoire, et je vous assure que cette aventure n’a diminué en rien l’estime que je vous porte. Vous me diriez où me rendre, à qui m’adresser et comment. J’aimerais causer avec vous de tant de choses.
J’adresse cette lettre à votre femme, avec un mot. Encore une fois, merci et courage.
Lettre 7
FHB 298/046/006
Le 28 novembre 1932
Lui envoie sa souscription personnelle pour sa revue mais « je vous demanderai de ne pas m’annoncer comme souscripteur. » […] « J’avais bien l’intention d’ignorer Pelletier. Pourquoi donner de l’importance à cet individu, et lui laisser croire que ses coups d’épingle peuvent me faire mal? J’estime que mes œuvres ont fait ma réputation quelle qu’elle soit, et ce ne sont pas les Pelletier qui me réduiront à néant. J’ai l’habitude de répondre aux éreintements par de nouvelles œuvres. »
Lettre 8
FHB 298/010/013
Le 27 décembre 1932
Mon cher Grignon,
Vous avez vu comme moi l’article de Pelletier sur Dolorès, dans le Canada d’aujourd’hui. Pour qui sait lire, c’est là une autre belle cochonnerie. Je note seulement, pour ce qui concerne l’essentiel du roman, le fait que Pelletier dénature le prétexte à propos duquel j’ai construit l’ouvrage. Une fois sur cette pente, Pelletier peut bien dire que Dolorès est un roman invraisemblable et qu’aucun des personnages n’y est humain. Ce n’est pas aussi malin qu’il le semble croire.
À un autre point de vue, mon faux-notaire met en doute mes connaissances d’histoire naturelle, les appelle livresques, et dit carrément que je connais le Nord, les Laurentides, depuis à peine deux ans. Qu’en sait-il? Voilà de la super-hyper-cochonnerie. Voilà bien cinq ans que je cours les forêts et les lacs des Laurentides, que je monte là-haut cinq et six fois par année, que j’y séjourne des dix et douze jours de suite, que j’y vis avec les colons et les guides, les interrogeant sur leur vie, sur leur famille, les accompagnant dans leurs excursions, bref, faisant l’impossible pour me pénétrer du pays de de ses mœurs. J’ai couru comme ça jusque dans l’Abitibi et le Nord ontarien. Je sais ce que c’est que de ramer pendant cinq heures sur un lac; de faire un portage de cinq ou six milles avec mon bagage sur le dos; de coucher dans un vieux camp de bûcheron, à même le plancher, avec seulement une couverture pour matelas; de faire un feu dans le bois et de faire cuire mon dîner; de prendre mon poisson moi-même, de le préparer et de le cuire; d’abattre un arbre et de fendre mon bois. Je sais tout cela et je sais aussi nager très bien, je sais manier un canot et j’ai même eu le plaisir, en une occasion, de fouter le camp à l’eau tout habillé –circonstance qui eût peut-être ennuyé un homme comme Pelletier, non muni de connaissances livresques sur la forêt.
Je vous dis ces choses, mon cher Grignon, pour vous démontrer jusqu’à quel point Pelletier peut être un sale cochon, et jusqu’à quel point cet homme peut pousser la malhonnêteté littéraire et le sadique besoin de déboulonner un travailleur aussi consciencieux que celui que j’ai voulu être.
En deux mots, ce dégoûtant m’envoie as patres comme si j’étais un écrivain amateur qui ne sait pas ce qu’il dit, et qui n’a pas pris soin d’étudier le sujet dont il traite. Il n’y a que cinq ans que je connais votre beau pays du nord, mais c’est depuis l’âge de dix ans que je cours les grèves, les champs et les bois; que je me suis penché, inconsciemment d’abord, puis avec un plus grand amour, parce que se connaissant mieux, sur les choses de la mère nature. Hiver comme été, j’ai toujours profité de tous mes loisirs pour fuir vers la campagne, m’y enfoncer, lui arracher ses secrets. Et quand je tente aujourd’hui de mettre dans un livre ce que j’appellerais le meilleur de moi-même, des choses que je sais et que j’aime depuis toujours, on me jette cette insulte : livresque. Je vous assure, en toute franchise, que cela m’a plus indigné que toutes les attaques à fond de train faites jusqu’ici contre mon œuvre. Je me flattais d’être l’un des premiers, chez nous, à interpréter de façon un peu précise la nature canadienne, et l’on m’apprécie comme le premier nigaud venu, comme un homme qui aurait transcrit dans son œuvre les colonnes d’un dictionnaire. N’est-ce pas assez écœurant? Ai-je besoin d’être né dans les Laurentides, ai-je besoin ai-je besoin d’un livre, pour savoir que les suisses ont des bajoues qui leur permettent de transporter leurs vivres, et que les maisons des castors sont construites de telle et telle façon? Ai-je besoin d’information livresque pour savoir la couleur et les particularités d’un doré, moi qui en prends depuis que j’ai l’âge de raison. Vraiment, c’est à décourager.
Par chance que je me suis promis, depuis longtemps, qu’il n’y a pas un maudit crevé du type de Pelletier pour m’arrêter dans mon travail, et que je continuerai ce travail comme je l’entendrai, envers et contre tous.
Je vous salue, mon cher Valdombre, et j’espère que tout va bien chez vous. À quand la revue? Si vous dites un mot de Dolorès, vous pourriez peut-être trouver, dans ce qui précède, quelques indications qui pourraient vous servir.
Amicalement,
6 Lettres à Jean-Charles Harvey
Lettre 1
FHB 298/044/004
Le 4 novembre 1929
Cher M. Harvey,
Je vous sais gré d’avoir accordé autant d’attention à mon petit livre. On croirait vraiment, à en juger par les conclusions de votre étude, qu’il en méritait moins.
Je n’ai rien à dire pour le moment de vos jugements; vous avez vos idées et vous êtes bien libre de les exprimer.
Je proteste seulement contre la première partie de votre paragraphe commençant par Avant d’être mis en volume… Je crois que vous ne devriez point parler ainsi, car les articles incriminés ont été faits et refaits. Vous vous en rendrez compte en comparant avec le premier texte publié, exception faite, peut-être, pour « L’Idée baudelairienne » et l’étude sur Blanche Lamontagne, qui furent travaillés longuement avant d’être donnés au Canada français. Je veux croire que les résultats obtenus sont peu reluisants, mais il n’en faut accuser ma paresse ni mon insouciance.
Il va sans dire qu’il serait assez vain, après la recommandation publique que vous venez d’en faire, de me rendre à Québec pour y offrir l’ouvrage, selon votre suggestion de l’été dernier, aux bureaux du gouvernement.
Sincèrement à vous,
Lettre 2
FHB 298/046/007
Le 6 novembre 1929
« Vous exagérez la signification de mon régionalisme. Je croyais être l’un des plus modérés parmi les régionalistes, et me faisais fort de ne pas donner dans les manies d’école ou de chapelle. Je n’ai jamais considéré le Régionalisme comme une fin, mais un moyen. Je crois que le Régionalisme nous aidera à produire des œuvres de valeur, qui nous aideront à constituer la littérature nationale, — nationale entendu dans le sens large. Je ne refuse à personne le droit de travailler dans un autre sens; je dis seulement que, pour ma part, à mon point de vue, j’entrevois de plus belles réalisations avec le régionalisme qu’avec les autres genres, ou les autres formules, ou les autres conceptions littéraires@. […] Pour le reste, je comprends votre hésitation entre la critique et vos amis. Je vous avoue que j’ai souvent ressenti la même impression de malaise, et je me demande souvent, comme vous, ce qu’il est opportun de faire: ou faire de la littéraire honnête, ou perdre ses amis? Je ne suis pas prêt à répondre. Évidemment, si l’on ne place qu’au pont de vue de l’art, la première solution s’impose. Mais ce n’est pas là toute la question. Il faudrait trouver un moyen terme, qui respectât ceci comme cela ».
Lettre 3
FHB 298/046/006
Le 20 octobre 1930
Mon cher Harvey,
Vos remarques sur les distiques, qui n’étaient pas très tendre, m’ont plu quand même. Et, par acquit de conscience, j’ai remanié les vers. J’en ai aussi changé l’ordonnance, dans l’espoir d’y mettre plus de suite logique. Je vous envoie le tout. J’y joins aussi une autre pièce, d’un autre genre. Qu’est-ce-que cela vaut?
DesRochers, qui est un bon poète, me talonne depuis déjà longtemps pour que je publie un recueil. Il semble faire grand état de mes essais. Probablement aussi qu’il se moque un peu de moi; où il n’aurait pas tort. Je lui en ai fait la remarquer, mais il jure sur sa tête de sa sincérité. Je vous avoue qu’il ne m’a pas encore très convaincu, et que j’ai une tentation forte de tout laisser dans mes tiroirs.
Je regrette de ne pouvoir me rendre à Québec ce mois-ci, avec DesRochers qui m’y invitait. Ce sera partie remise. L’autre mois, probablement. Mon roman doit paraître fin d’octobre, et cela m’occupe passablement. J’espère pouvoir vous l’envoyer sous peu et j’ai hâte de connaître votre opinion. J’y fais pas mal d’innovations : techniques nouvelle, procédés nouveaux dans la manière de traiter la description, le dialogue, etc., et je me demande quelle sera la réaction du public? Peut-être aussi qu’il n’y serra rien.
Sincèrement,
Lettre 4
FHB 298/046/007
Le 27 octobre 1930
Mon cher Harvey,
Je reçois votre lettre et vos sévères remarques, et vous remercie de tout. Je ne suis pas prêt à accepter tout ce que vous me dites, mais je dois admettre que vous avez souvent raison. Même trop souvent, pour ma confusion extrême. C’est étonnant comme un ne voit pas soi-même ce que l’on écrit.
J’essaierai d’aller à Québec avant bien longtemps, et j’espère que nous aurons alors l’occasion de discuter bien des points. Hormis que vous décidiez, dans l’intervalle, de venir à Saint-Hyacinthe. Ce que vous n’avez encore fait.
Je referai les pièces, et vous les enverrai encore, avec votre permission. Vous savez que je suis tenace. Il faudra bien que j’arrive à les mettre debout de façon convenable.
Je vous inclus une autre ébauche, qui n’a pas plus de prétentions que les autres. Cela vaut-il le papier? Ce n’est pas rien que d’aligner des vers français. Quand on a déjà tant de difficultés à faire de la prose convenable.
Et je vous salue,
Lettre 5
FHB 298/046/007
Le 5 novembre 1931
Mon cher Harvey,
Je vous remercie sincèrement de l’attention accordée à mon livre, dans le Soleil. J’aurais pu vous écrire plus tôt, mais je ne reçois plus votre journal – on a biffé mon nom de la liste -, et il n’a fallu apprendre que vous aviez publié l’article, puis me procurer le numéro justificatif, comme on dit dans le monde journalistique.
Comme toujours, je note vos remarques. J’en ferai mon profit, un jour ou l’autre. Je tiens à protester, cependant conte l’accusation de mauvais français, à propos du terme « conduire ». On s’est acharné, en certains milieux, à me faire la réputation d’un mauvais écrivain. Je suis comme tout le monde, j’ai mes faiblesses. Mais j’ai bien assez de mes défauts propres, sans qu’on m’en prête.
Mon vieux Bescherelle, édition de 1856, n’a pas les mêmes prétentions que vous, au sujet du mot « conduire ». Il dit en toutes lettres :
« Conduire. – Transporter d’un lieu dans un autre. Conduire des vivres. Conduire du vin, des marchandises. Conduire une charrette, une voiture. Où conduira-t-il son argent, ses meubles, sa famille?» (La Bruyère)
Je n’ai pas la prétention, moi, de savoir mon français parfaitement. Je ne sais si mon éducation première a été négligée, mais je m’efforce d’écrire aussi bien que je peux. Ce qui est assez français pour La Bruyère l’est assez pour moi. Je regrette seulement de ne pas toujours faire aussi bien que La Bruyère.
Pour ce qui concerne mon emploi du mot « conduire », je dis que j’étais absolument justifié d’écrire : « C’est là que les fermiers de la région conduisent leur récolte. » Conduire des marchandises, des vivres, du vin, une récolte – où est la différence?
Je n’ai consulté que Bescherelle, que j’ai sous la main, après avoir lu votre article. Si cela vous amuse, je puis bien voir Darmesteter, Larousse, que j’ai à la maison et même Littré, que je trouverai à dix pas de mon bureau.
Je vous remercie quand même; je n’en veux jamais à mes critique, même quand ils me surchargent. Quand vous viendrez me voir, ce que vous n’avez encore jamais fait, nous discuterons longuement de toutes ces questions.
Amicalement,
Lettre 6
FHB 298/046/007
Le 26 septembre 1932
Mon cher Harvey,
Il va sans dire que j’ai été fort heureux de la nouvelle m’annonçant l’obtention du prix David. J’ai su aussi, à travers les branches, que vous étiez pour beaucoup dans la décision du jury. Je vous remercie sincèrement de ce que vous avez pu faire pour moi, dans les circonstances. Vous êtes d’autant plus louables, – pour ce qui me concerne -, que mes principes littéraires n’ont pas toujours été d’accord avec les vôtres. À moins que nous soyons au fond du même avis, n’ayant que des mots différents pour le dire. Tout cela est possible.
J’apprends que vous avez consacré un article au prix David, dans le Soleil. Vous seriez bien aimable de me l’adresser.
Vous me rappellerez au souvenir de Mme Harvey et des amis du Soleil.
Sincèrement à vous,
1 Lettre à Maurice Hébert
FHB 298/011/002
Le 20 janvier 1932
M. Maurice Hébert
Hôtel du Parlement
Québec
Cher monsieur Hébert,
Je vous remercie sincèrement. Vous êtes d’une sensibilité telle que je me demande si vous ne vous laissez pas aveugler par notre amitié? En toute franchise, je vous assure que je n’ai pensé à toutes les belles choses découvertes par vous, lorsque j’écrivais mon livre. J’ai fait mon travail consciencieusement, sans plus, contant jour après jour l’histoire que j’avais à conter. Ce n’est pas d’un si extraordinaire mérite. En tout cas, je suis content de ne vous avoir pas déplu ni choqué. J’étais un peu inquiet, d’abord, de ma Juana. Je me demandais comment seraient reçus ce genre moderne à base de simplicité, de concision, et cette tentative dans le sens du monologue intérieur. On me disait notre public si peu préparé. Je me demande, à certains moments, si le public qui lit, le seul qui compte, n’est pas en avance sur nos écrivains? Qui répondra à la question.
Encore une fois merci.
Sincèrement à vous,
1 Lettre à Gilles Marcotte
FHB 298/010/017
Saint-Hyacinthe, le 4 février 1951
M. Gilles Marcotte
Le Devoir
Montréal
Cher monsieur et confrère,
J’ai lu avec attention votre article du samedi, sur Les Jours sont longs, et vous remercie sincèrement. De votre compréhension comme de votre esprit de justice.
J’avoue cependant que je ne puis accepter votre reproche, en ce qui concerne le mot « station » Il est français dans le sens de « gare », et n’importe quel dictionnaire vous le dira. Même le vieux Bescherelle, qui n’est pas d’hier. Veuillez croire que je ne l’avais pas employée au hasard.
Quant aux etc. », je serais curieux d’avoir des précisions. Curiosité légitime, vous l’admettrez.
Mes meilleurs sentiments,
3 Lettres à J.-M. Melançon (Lucien Rainier)
Lettre 1
Fonds de Sœur Marie-Henriette de Jésus
Le 23 novembre 1931
Mon cher monsieur Melançon,
Je reçois votre lettre et vous remercie des bonnes choses que vous me dites. Comme vous l’avez noté, l’esprit de mon livre est bien plus de peindre l’Ouest et la vie de l’ouest, que de vous intéresser aux amours de l’héroïne. Le reste, c’est une histoire, pour amuser ceux des lecteurs qui exigent qu’on les amuse.
Je note particulièrement vos remarques quant à certaines corrections grammaticales. Cela ne me fâche pas qu’on m’indique mes fautes… Au contraire, j’essaie toujours de faire mon profit des critiques qui me sont adressées. Ainsi, dans les circonstances, je vous serais reconnaissant de bien me préciser ce que vous m’indiquez dans votre lettre. Je corrigerai dans une autre édition, – si jamais, – ou je préviendrais la répétition, dans d’autres ouvrages.
J’avoue que je n’ai pas encore fini la lecture de votre recueil. J’ai été trop pris, depuis quelques mois. Mais ce que j’en ai vu confirme mon opinion que votre œuvre est des plus artistiques, de toute notre littérature poétique. Je ne désespère pas de pouvoir en parler plus longuement, un jour ou l’autre.
Veuillez croire à mes meilleurs sentiments.
Lettre 2
FHB 298/010/013
Le 3 août 1932
Cher monsieur Melançon,
J’allais justement vous écrire. J’ai été assez pris, j’ai aussi été absent, ce qui explique mon retard à répondre à votre première lettre. J’ai bien reçu votre manuscrit et je vous remercie bien sincèrement des suggestions faites. Elles me sont précieuses. J’irai à Montréal un jour ou l’autre, si vous le permettez, et nous étudierons ensemble les points faibles de mon travail. Que pensez-vous du recueil, comme ensemble? Cela mérite-t-il de voir le jour? J’ai toujours douté. Croyez-vous que je devrais me permettre qu’à titre de jeu littéraire, de délassement, la publication de ces vers?
J’oubliais de vous offrir mes félicitations. Tous les journaux parlent de vous. Je suis particulièrement heureux de ce couronnement, qui pour une fois s’adresse à un véritable artiste.
Seriez-vous homme encore un service ? Voyez si j’exploite mes amis! Je vous adresserais les épreuves mon nouveau roman. Elles sont prêtes. Vous y chercheriez pour moi, avec toute la rigueur possible les fautes de langue, barbarismes, solécismes, anglicismes, etc… Si vous saviez comme il me fait peine de me faire signaler, après coup, des fautes de français. Il va sans dire que vous auriez aussi entière liberté pour m’indiquer tous les autres manquements contre la logique, le bon sens, la vraisemblance, etc. Je vous adresse en tout cas les épreuves, pour ne pas perdre de temps. Si vous ne pouvez pas les passer au crible, vous n’avez qu’à me les retourner. Nous ne serons pas pires amis.
Je vous remercie d’avance et vous prie de me croire, comme toujours, votre sincèrement dévoué,
Lettre 3
FHB 298/010/013
Le 10 août 1932
Cher monsieur,
Vous êtes bien malcommode, et j’en suis très heureux. Vos indications me sont très précieuses, et vous pouvez être assuré que j’en tiendrai compte. J’ai déjà corrigé tout le livre.
Les notes que vous n’avez pas trouvées ne sont pas encore faites. Voilà le pourquoi. Pour ce qui est de l’écureuil, j’ai employé le mot « crier » au lieu de « siffler ». Le terme est plus vague et passera peut-être mieux. Dans un volume que j’ai: Nelson : Mammals of North America, il est dit que l’écureuil simple, whistles. Alors? Ce Nelson était autrefois chef du service de biologie, à Washington.
J’ai refait la partie indiquée. Il m’est impossible, cependant, d’utiliser l’excuse tuberculose. Cela répète trop Juana. J’ai donc trouvé un autre prétexte et je vous envoie la version que je me propose d’employer. Jusqu’à nouvel ordre, naturellement. Y a-t-il quelque chose à redire?
Vous admettrez avec moi que ce n’est pas facile, bâtir un roman. Plus j’ai d’expérience et plus je m’en rends compte. Heureusement que j’ai quelques amis comme vous. Je vous remercie donc, très sincèrement, et j’espère pouvoir vous adresser, d’ici quelques semaines, un exemplaire de Dolorès.
Je garde mon prénom espagnol, en dépit de tout. Cela me permet de dire : « Dolorès, nom prédestiné! » Et puis, Dolorès est très commun en ce pays.
Sincèrement à vous,
1 Lettre à Gabriel Nadeau
FHB 298/011/007
Le 25 février 1945
Mon cher Nadeau,
Votre projet d’article sur Dantin m’intéresse fort. Vous savez que j’ai été un des derniers, parmi ses amis canadiens, à l’aller voir. À mon retour du sud, en décembre 1943, j’ai passé un après-midi avec lui à Boston, dans son modeste sous-sol de la rue Montgomery. J’ai d’ailleurs raconté l’entrevue dans mes notes de voyage, et vous êtes sans doute au courant.
Je ne sais rien des derniers moments de Dantin. Où a-t-il fini? Avait-il fini par s’en aller dans une institution, comme il en avait manifesté le désir devant moi? Et savez-vous si, au dernier moment, il fit sa paix avec Dieu? Ces détails m’intéresseraient. Si je puis vous rendre service au sujet de Dantin, n’hésitez pas. Posez-moi les questions que vous voudrez et je vous répondrai au meilleur de ma connaissance. J’ai aussi plusieurs lettres de lui, en marge de mon travail sur la littérature américaine, Si vous croyez y découvrir quelque chose d’utile, je vous le ferai tenir volontiers.
La première version de mon livre est terminée. Je suis à réviser et refaire, ce qui me prendra encore un an, et même plus. Cela ne finit pas. J’englobe les 48 États de l’Union, ce qui vous donne une idée de l’ampleur de l’affaire. Le grand problème est de résumer somme il se doit, de façon à présenter un tableau d’ensemble aussi complet et aussi compréhensif que possible. Quand j’aurai fini le livre, j’y aurai mis environ douze ans de travail.
Sincèrement à vous,
2 Lettres à T. M. Pearce
Lettre 1
FHB 298/011/007
Le 19 mars 1945
Cher monsieur Pearce,
J’espère que vous avez maintenant en main le manuscrit. Je n’en presse précisément et vous pourrez le lire à loisir. Prenez le temps qu’il faudra, à travers vos nombreuses occupations.
Inutile de vous dire que je suis aussi, de mon côté, extrêmement occupé. Il m’arrive justement deux choses assez extraordinaires. J’ai été invité à devenir professeur à l’Université de Montréal, faculté des lettres. L’Université est à réorganiser sa faculté des lettres d’un bout à l’autre, et l’on m’a offert une chaire de littérature américaine, avec des appointements fort attrayants et cinq mois de vacances par année. Je n’assumerais mes nouvelles fonctions qu’à l’automne de 1946. On doit ajouter à la faculté sept ou huit nouveaux professeurs, dont un de littérature espagnole, qui viendrait du Mexique. Je n’ai pas donné de réponse finale, mais il est probable que je vais accepter. En attendant, je vais continuer à me préparer. Cet enseignement m’intéresserait sûrement plus que le journalisme. Et que de travail on pourrait faire, en cinq mois de liberté à chaque année!
L’autre histoire est d’un autre ordre. J’ai été choisi par le gouvernement d’Ottawa comme l’un des journalistes qui assisteront à la conférence de San Francisco. Cela est tout récent et je ne sais encore qu’en penser. Le grand problème est d’organiser mon bureau pour qu’il se passe de moi pendant quelques semaines. Vous voyez ce que j’ai en main. Félicitez-moi si vous voulez, mais plaignez-moi aussi.
Pourquoi n’enverriez-vous pas votre belle-fille à l’Université de Montréal, quand le temps sera venu, si c’est vraiment votre intention de l’envoyer terminer ses études au Canada. Je sais une autre jeune fille du Colorado qui se prépare à s’y inscrire. Il est probable que l’Université de Montréal aura bon nombre d’élèves américains, après sa réorganisation.
Je vous souhaite succès avec toutes vos entreprises. Le livre sur le folklore des régions américaines va sûrement m’intéresser. Il faudra m’aviser du moment de sa mise en librairie.
Sincèrement à vous,
Lettre 2
FHB 298/011/007
Le 30 avril 1945
Mon cher Dr Pearce,
Je vous remercie de votre lettre et de vos notes, relativement à mon chapitre sur le sud-ouest. Le tout me sera extrêmement précieux.
En définitive, je ne suis pas allé à San Francisco. Incapable de me libérer ici; deux campagnes électorales sur les bras, l’une fédérale, l’autre municipale, en même temps.
La plupart des corrections que vous m’indiquez sont assez faciles à faire. Questions de détail en somme. J’écrirai à Conrad Richter et à Oliver La Farge pour les précisions relativement è leurs ouvrages. Pour ce qui est de la discussion sur la langue espagnole, je vais simplement mettre de côté ce qui n’est pas certain. Ce n’est là qu’un à-côté de mon sujet, et je puis fort bien éliminer tout ce qui serait susceptible de provoquer controverse.
Quelques erreurs que vous me signalez sont attribuables à mes sources. Entre nous, je m’aperçois assez souvent que les sources se contredisent. Il me faut trouver alors la vérité, ce qui n’est pas toujours facile. Aussi un travail comme celui que vous avez bien voulu faire pour moi m’est extrêmement utile.
Je vous remercie particulièrement des corrections quant à Fanny Bandelier, Castanada, Zebulos Pike, et à l’architecture « pueblo-spanish ». J’inclurai aussi vos romans d’après 1940, en indiquant qu’ils sont meilleurs que les précédents, bien que postérieurs à l’époque étudiée.
Connaissez-vous l’ouvrage suivant : Perilous Sanctuary [1937], par D.J. Hall? Édition George O. Harrap & Co Ltd., Londres. J’ai trouvé un exemplaire de cet ouvrage à Montréal. Il s’agit d’un roman situé chez les Pénitentes du Nouveau-Mexique, écrit par un Anglais. Si vous ne le connaissez pas, et s’il vous intéresse, il me fera plaisir de vous l’adresser. Je n’ai pas moi-même eu encore le temps de le lire.
J’espère que vous avez fait un beau voyage à Mexico. Il va sans dire que je vous envie. Maintenant que je vais plus en Californie, je crois que j’irai passer une quinzaine à Chicago et dans la région, Wisconsin, Iowa, Indiana, à l’automne. J’essaierai de compléter là-bas certaines informations que j’ai, et qui me semblent incomplètes. Je n’en finis plus et me demande quand l’ouvrage verra le jour? Sûrement pas avant une autre douzaine de mois.
J’ai hâte maintenant d’avoir les notes de Mlle Gillmor. J’espère qu’elle ne mettra pas trop la hache dans ma prose. Connaissez-vous quelqu’un qui saurait le français, au Texas, et qui serait capable d’examiner les pages sur cet État?
Je vous remercie encore une fois.
Sincèrement,
13 Lettres à Marie-Anna Roy
Lettre 1
FHB 298/047-011
Le 2 avril 1965
Mademoiselle,
Je tiens à vous remercier de votre aimable lettre et de vos bonnes paroles.
M. Durand était un de mes bons amis, qu’il m’a fait peine de voir partir. Il était fort cultivé et lettré, et sans fatuité aucune, comme il convient aux gens de qualité supérieure.
Je vous retourne sa lettre, qui serait plus à sa place dans vos dossiers que dans les miens.
J’ai rencontré déjà Mme Gabrielle Roy, mais je la connais assez peu. Il va sans dire que je recevrais avec plaisir la documentation que vous me proposez, et qui pourrait me servir à l’occasion.
Veuillez croire à mes meilleurs sentiments.
Harry Bernard
Rédacteur en chef
Lettre 2
FHB 298/047/011
Le 20 mars 1970
Mademoiselle,
Je lis avec plaisir vos articles sur le Saint-Boniface d’autrefois, et le dernier, sur Roger Goulet, m’a peut-être intéressé plus que les autres.
J’ai connu Roger Goulet à Saint-Boniface, en 1927, et j’y ai rencontré aussi sa femme, comme j’ai très bien connu à Montréal son fils Armand, qui venait veiller à tout propos chez mon cousin germain, le docteur Ernest Laporte, dentiste, rue Saint-Denis. Les quatre sont aujourd’hui dans la galerie de mes morts.
Je vous dis tout de suite que ma mère, née Alexandra Bourdeau, a été élevée à Saint-Boniface, et qu’elle passa une partie de sa jeunesse avec Roger Goulet et sa femme, dont elle m’a souvent parlé en ma jeunesse. Aussi Roger Goulet n’en revenait pas, en 1927, quand je lui dis que j’étais, pourquoi et comment.
Ma mère était nièce du sénateur Al[exandre] Alfred LaRivière, dont la femme, née Marie Malvina Bourdeau, était sœur de mon grand-père maternel : Gédéon Bourdeau. Au vieux cimetière de Saint-Boniface, face à la cathédrale en ruines, au pied du monument de la famille LaRivière, vous trouverez une petite pierre tombale portant cette inscription : Archange d’Aragon, épouse Gédéon Bourdeau, née à Laprairie le 15 février 1822, décédée le 26 mars 1884 à Saint-Boniface. Cette Archange est mon arrière-grand-mère, et mon grand-père Gédéon Bourdeau, que j’ai bien connu, décédé en 1922 ou 23, portait le même prénom que mon père.
Mon oncle Victor Bourdeau, qui mourut médecin à Chicago, avant ma naissance en 1898, avait fait ses études classiques au vieux Collège de Saint-Boniface, et j’ai de lui une lettre à sa sœur Victoria, datée du 10 juin 1890, où il raconte qu’il va quitter le collège pour aller étudier la médecine à Montréal.
Cette tante Victoria, qui est décédée à l’hôpital Saint-Charles de Saint-Hyacinthe vers 1950 – je ne sais plus – avait été élevée aussi à Saint-Boniface et y avait fait ses études. Dans la famille, on racontait jadis ceci : que, dans la vingtaine, ce qui veut dire 1888 ou environ, elle avait été fiancée à un nommé Royal, qui était jeune avocat ou étudiant en droit, et qui était mort subitement, du jour au lendemain. Au vieux cimetière de Saint-Boniface, il y a une petite pierre tombale, pas loin de celle de Riel, à la mémoire d’un jeune Royal, et je me demande si celui-ci fut le fiancé que je rappelle. Par la suite, ma tante ne s’est jamais mariée.
Il y a encore des choses que vous ne connaissez pas : l’ancien député et ministre Edmond Préfontaine, qui est aujourd’hui paralysé et impotent à l’hôpital de Steinbach, est mon beau-frère, pour cette raison que nous avons, lui et moi, épousé les deux sœurs, Lucienne et Alice Sicotte, qui sont de Saint-Hyacinthe.
J’ai passé une huitaine à Saint-Boniface l’été dernier, et à Saint-Pierre-Jolys, et j’en ai profité pour faire certaines recherches. Je ne savais pas dans le temps que vous demeuriez à Saint-Boniface, sans quoi je vous aurais donné signe de vie. Mon cousin Louis Larivière, était absent, parti pour Montréal, et sa sœur Alice, mariée à J.-Wellie Roy, se tenait alors au chevet de son mari, qui mourut de cancer le 10 décembre de la même année : 1969. Je ne pus voir à Saint-Boniface que mon vieil ami Charland Prud’homme, qui me pilota à droite et à gauche et me fut d’un grand service.
Je vous abandonne tout ceci pour l’instant, et j’espère que vous continuerez à nous donner des articles sur le Saint-Boniface du siècle dernier. Ce qui nous intéresse toujours ici, car des pionniers comme Mgr Taché et le sénateur Girard venaient de la région de Saint-Hyacinthe, et Albert Préfontaine, père d’Edmond, était d’Upton dans le comté de Bagot, à une vingtaine de milles de notre ville.
Sauf empêchement, je serai de nouveau à Saint-Boniface cette année, probablement au début de juillet, et j’essaierai alors de vous atteindre. À la condition, bien entendu, que vous me fassiez parvenir votre adresse.
Si ceci vous intéresse : mon grand-père Gédéon Bourdeau, qui fut sans doute amené au Manitoba par son beau-frère LaRivière, fut imprimeur de la Reine au Manitoba, de 1884 à 1887 inclusivement. Il dut arriver à Saint-Boniface plusieurs années plus tôt. D’après certaines informations que j’ai, deux frères à lui, Théodule et Jean-Baptiste étaient aussi à Saint-Boniface ou Winnipeg. Que pourriez-vous trouver sur eux? Voir d’abord, à ce sujet, M. Louis C-LaRivière.
Quand j’ai rencontré Roger Goulet en 1927, j’avais cru comprendre que sa femme était née Reséda Bédard. Était-ce dans le temps une deuxième femme, car vous dites aujourd’hui que son épouse avait nom Lumina Gauthier?
Excusez le décousu de cette lettre et veuillez croire à mes meilleurs sentiments.
Lettre 3
FHB 298/047/011
3 août 1970
Mlle Marie-Anna-A. Roy
9-221, rue Masson
Saint-Boniface
Mademoiselle,
Je m’excuse de n’avoir pu vous écrire plus tôt, mais j’ai été pas mal bousculé ces derniers temps, à cause de mon départ définitif du Courrier de Saint-Hyacinthe, que je quitte après 50 ans et 5 mois de journalisme actif, et sans interruptions.
Je comptais vous voir à Saint-Boniface cet été, mais j’y dois renoncer. Ce sera sans doute pour l’an prochain.
Vous voudrez bien me confier encore le manuscrit dont vous parlez dans votre dernière lettre. Je voulais vous le remettre de main à main, mais cela ne m’est plus possible. Au fait, j’ai lu ce texte avec un grand intérêt, et vous pouvez compter sur mon entière discrétion. Je ne l’ai montré à personne et je n’en ai parlé à personne. À vrai dire, cela me ferait grand plaisir de le garder – si vous y consentez – car j’y trouve, hors les histoires de famille que vous ne tenez pas à divulguer trop, maints détails qui me paraissent précieux pour l’histoire littéraire. Je vous dirai, quand je vous verrai, certains projets à moi. Vous savez que j’ai pas mal d’accointances avec le Manitoba et je me propose d’en traiter un jour, pas très lointain, dans un ouvrage de souvenirs que je me propose – la vilaine répétition! – le manuscrit me serait alors fort utile, pour rappeler un moment votre sœur, que je connais d’ailleurs, bien qu’assez peu. En tout cas, je vous soumettrais avant publication les pages que je vous emprunterais en définitive. Vous ne me dites pas non? Savez-vous si le Père Hector Côté, c.s.v. a publié son histoire, promise – de Saint-Pierre-Jolys? Si oui, où peut-on se procurer l’ouvrage et à quel prix?
Je vous remercie de votre bonne attention et compte sur […]
Lettre 4
FHB 298/047/011
Le 31 septembre 1970
Mademoiselle,
Vous me comblez au point que je commence de m’en trouver gêné.
Je vous remercie donc de votre dernier ouvrage La Montagne Pembina, du manuscrit que vous savez et des documents sur la cathédrale détruite de Saint-Boniface.
En ce qui concerne cette dernière, je n’hésite pas à conclure que vous avez raison en principe, mais j’ai aussi l’impression, d’après ce que j’ai entendu l’été dernier (1969) au Manitoba, que vous défendez une cause perdue d’avance. Je vous souhaite quand même de la gagner et je serais des plus heureux, si vous arriviez à la gagner tout à fait.
Votre livre m’intéresse fort, que j’ai commencé de lire, mais je ne pourrai pas en traiter avant quelque temps. Je pars la semaine prochaine pour l’Europe, et mon absence pourra se prolonger sur six ou huit semaines. J’ai là-bas beaucoup de gens et de choses à voir, et c’est la première fois que je ne serai pas pressé de revenir pour une date précise.
Si jamais vous en avez le temps, cela m’intéresserait de savoir ce que vous pourriez recueillir sur le passage des deux frères et de mon grand-père Gédéon Bourdeau au Manitoba : Jean-Baptiste et Théodule. Cela, vers les 1875-1885, ou à peu près.
J’ai appris avec regret le décès de Madame Thérèse Courchainés [sic]. Elle était une des personnes que je me proposais d’aller voir, à ma prochaine visite au Manitoba. Sauf erreur, je compte y être l’an prochain, environ juin. J’espère que vous serez encore aux alentours, lors de ma venue.
Veuillez croire à mes meilleurs sentiments.
Lettre 5
FHB 298/047/011
Le 25 octobre 1970
Mademoiselle,
Je m’excuse d’avoir un peu tardé à vous répondre, mais il faut s’en prendre à ma santé, qui me donne plus que des ennuis, m’empêcha de faire le voyage de Winnipeg l’an dernier, puis de me rendre en Europe à l’automne. Alors que je devais partir pour Paris le 10 septembre, j’entrai à l’hôpital le 9. Voyez le tableau!
Je n’ai jamais montré à personne les documents que vous m’avez confiés, et j’en ferai de même avec les nouveaux. Vous pouvez en être assurée. Il est entendu aussi, depuis longtemps, que la Bibliothèque nationale s’assurera la possession, le temps venu, de ma bibliothèque en entier, de ma correspondance et de tous les documents entre mes mains. Cela devrait vous rassurer.
Je vous remercie des quelques documents obtenus sur ces Bourdeau que je ne connais que de nom, sauf Georges, et je crois comprendre que Théodule et Jean-Baptiste étaient frères de mon grand-père Gédéon. Sauf erreur, ils avaient tous été attirés au Manitoba pas leur beau-frère Larivière. En 1885, mon grand-père était encore au Manitoba, puisque ma mère m’a souvent raconté ce dont elle avait eu connaissance aux funérailles de Riel, à Saint-Boniface. Elle devait alors avoir douze ans.
Je commence à croire que vous ne devriez pas vous en faire tellement, à propos de votre sœur. Vous avez, en somme, droit à votre opinion. Et il n’y aurait peut-être pas de mal à ce que la vérité vraie fût un jour connue, même si cela devait déplaire à quelques-uns. Soyez certaine que vous n’en souffririez point. L’époque des super-délicatesses est passée depuis longtemps. Songez un peu à toutes celles qu’on n’a pas eues pour vous.
Je vous remercie encore une fois. J’essaierai de vous aller voir à Saint-Boniface à l’été 1971, si ma santé, mon médecin et mes finances le permettent.
Sincèrement à vous,
Lettre 6
FHB 298/047/011
Le 5 novembre 1970
Mademoiselle,
Je vous remercie de votre lettre et de votre nouveau texte, que j’ai parcouru en vitesse, et j’ai remplacé, comme demandé, la page 77. Je croyais comprendre que votre second texte serait beaucoup moins dur pour Gad que le premier, mais je vous avoue que je ne trouve pas tellement de différence, dans les parties essentielles, de l’un à l’autre.
Je viens d’écrire un article sur votre Montagne Pembina qui paraîtra un jour ou l’autre, son tour venu, et je verrai alors à vous en adresser un exemplaire Votre Pembina m’a un peu déçu, dans ce sens que vous y faites un peu trop de mystère sur le rôle qu’y jouèrent votre père et votre famille, en des temps devenus lointains.
Votre livre m’a donné le goût de relire votre Pain de chez nous, mais je ne l’ai plus, quelqu’un me l’ayant sans doute chipé au bureau, et je me demande si vous pourriez m’en trouver quelque part un exemplaire, même usagé, dont je vous adresserais volontiers le prix, le connaissant. J’ai d’autre part votre Valcourt, et je me propose bien de vous le faire autographie, quand vous viendrez à Saint-Hyacinthe.
Un autre livre que je cherche, et que vous pourriez peut-être découvrir en vos entours, c’est celui de Donatien Frémont : Les Secrétaires de Riel. Je l’ai eu aussi de l’auteur, qui était de mes amis, mais il y a longtemps qu’il a disparu de ma bibliothèque. Si j’avais tous les livres qu’on m’a empruntés, avec ou sans mon consentement, ma maison ne serait pas assez grande pour les loger tous.
Je vous demande donc deux livres sur le Manitoba, et même La Petite poule d’eau, si vous étiez capable de me déloger la première édition. Les autres furent tellement reprises et corrigées qu’on ne s’y reconnaît plus. Il est bien entendu que vous m’adressez facture avec les ouvrages que vous pourriez me faire tenir. Sinon, j’annule tout de suite ma commande.
Sincèrement à vous,
Deux questions qui ne veulent pas être indiscrètes.
1. Dans votre Pembina, à la page portant le titre « Reconnaissance », il est noté que « Madame Gabrielle Roy, célèbre ancienne de la Montagne, » compte parmi bienfaiteurs et bienfaitrices.
D’autre part, dans les diverses notices biographiques que j’ai de votre sœur, elle est donnée comme native de Saint-Boniface. Et aucune date de naissance n’est jamais mentionnée, ce qui me renverse. Elle ne prétend pourtant pas que nous allons lui donner vingt ans jusqu’à la fin des temps. Je voudrais donc savoir si G. est native de Saint-Boniface ou de la montagne Pembina, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Si ce n’est pas une indiscrétion trop grave, me donner aussi sa date de naissance, pour mes dossiers.
D’avance merci.
2, Je vous ai demandé dans une lettre récente, si le Père Hector Côté, c.s.v., natif de Saint-Pierre-Jolys, a publié ou non la nouvelle histoire de Saint-Pierre-Jolys (des débuts à 1956), qu’il promettait pour 1970 ou l’année du centenaire de votre province. Si oui, je serais très intéressé à me procurer le livre. Me dire où on peut l’acheter, et à quel prix? Vous avez oublié de me répondre une première fois, mais je compte sur vous cette fois-ci. Merci une autre fois.
Lettre 7
FHB 298/047/011
Le 2 décembre 1970
Mademoiselle,
Je vous remercie de votre lettre et des abondants renseignements donnés, quant à la famille de votre père. Sans vouloir me montrer désagréable, je note toutefois que vous mes précisez les dates de naissance de votre père et de votre sœur Gabrielle, mais vous ne mentionnez pas celle de votre mère, ni la vôtre. Ce sont là des détails dont ont souvent besoin les historiens des lettres, non pas pour les étaler à la première occasion, mais pour les aider à situer certains points de leurs récits ou de leur appréciation.
Pour le reste, je vous serais très reconnaissance d’un exemplaire, même usagé du Pain de chez nous. Pour ce qui est des secrétaires de Riel, oubliez-les; j’ai résumé l’ouvrage dans un de mes articles où je crois avoir l’essentiel. Quant à la première édition de La petite poule d’eau, j’essaierai d’en avoir un exemplaire, si c’est le moindrement possible, à la Bibliothèque nationale de la province. À moins que vous trouviez par hasard, à prix non prohibitifs, les deux ouvrages. Auquel cas, vous voudrez bien me le faire tenir avec votre note. Quant au père Côté, je lui ai déjà écrit à Joliette, mais il ne m’a pas même répondu. J’ai peur que vous ayez le même sort, surtout si vous avez mentionné mon nom.
Vos premières pages du Miroir du passé m’ont fort intéressé. Si je pouvais vous aider dans la correction, je le ferais volontiers pour vous. Je crois que votre texte a besoin d’être serré un peu. Je garderais « il dut trimer de l’aurore au couchant, chaque jour, » plutôt que « il travailla sans repos. » La première tournure est plus vivante et fait moins cliché (page 1). Ceci en bonne part, veuillez le croire. Je crois que vous devriez faire de votre mieux, et faire corriger et publier, plutôt que d’abandonner à la Bibliothèque nationale d’Ottawa.
Parlant vieux livres manitobains, il vous intéressera peut-être de savoir que j’ai dans ma bibliothèque les Esquisses sur le Nord-Ouest de l’Amérique, de Monseigneur Taché (Beauchemin, Montréal, 1901, 2e édition) et Mère Marie de Saint-Hélène, SS. Du Bon Pasteur, sœur du sénateur Larivière (Montréal, 1916), où j’ai en somme l’histoire de la famille Larivière. Il va sans dire que ce dernier ouvrage est un souvenir de famille.
Mes meilleures amitiés,
Lettre 8
FHB 298/047/011
Le 3 décembre 1970
Mademoiselle,
Je me suis permis de noter, dans ma lettre d’hier, que vous devriez reprendre et serrer votre texte. En marge, j’ai eu la hardiesse, dans la soirée d’hier, d’examiner un peu les deux premières pages de votre Miroir, pour voir un peu ce qu’on en pourrait tirer.
J’ai constaté une fois de plus qu’écrire n’est pas chose facile, ni pour vous ni pour moi, ni pour personne.
Je vous retourne donc, pour examen, votre première page avec indications des répétitions et détails à reprendre, puis j’ai récrit à ma manière, si je puis ainsi dire, un peu plus qu’une page et demie. En cours de route, comme vous vous en rendrez compte, j’ai commis moi-même à plusieurs reprises les répétitions que j’étais prêt à vous reprocher. Pour en éviter quelques-uns, j’ai changé un peu le vocabulaire, sans modifier pour autant le sens général ou le ton du récit. Vous en ferez ce que vous voudrez bien.
Si le texte vous plaît, que je vous envoie, je vous le donne en toute simplicité, et vous pourrez l’utiliser pour les débuts de votre travail. Pour le reste, je reste disposé à vous donner un coup de main, dans la mesure où j’en serai capable. Il est vrai que je dois partir pour l’Europe à la mi-février, si j’en suis capable, pour ne revenir qu’aux premiers jours d’avril. Pendant ce mois et demi, je ne serai pas d’accès facile. Nous reparlerons un peu plus tard de ce qu’il y a à faire, et je continue à croire que votre récit devrait être publié, s’il ne faiblit pas en intérêt.
Je vous adresse sous pli un petit travail que je vous ai promis depuis longtemps, sur Donatien Frémont.
Si vous le permettez, je vous engage à n’avoir point peur des termes canadiens, s’ils sont bien frappés et ne sont pas des anglicismes déguisés. Vous verrez, dans le texte corrigé, que je ne me gêne pas de les employer, et je ne les souligne pas en italiques – ce que je vous demande aussi d’éviter.
Veuillez croire à mes sentiments cofraternels,
Lettre 9
FHB 298/047/011
Le 20 décembre 1970.
Ma chère demoiselle Roy,
Vous devenez pour moi un véritable problème. Je suis enchanté du livre que vous m’avez adressé, illustré même de photos, mais nil en ce qui concerne la note. Vous me mettez dans une gêne terrible, dont je ne sais comment sortir. D’autant plus que je vous ai demandé d’autres livres. Qu’est-ce qu’il m’arriverait, si vous alliez les trouver? J’attends donc une note et je vous prie de me la faire tenir. Ou je vous enverrai un jour quelques livres, mais je ne sais pas ce qui pourrait vous intéresser. Rien sur le Manitoba, bien sûr, car j’en cherche moi-même. J’en ai eu plusieurs, dont je me suis départi dans le temps, mais je le regrette on ne peut plus. J’en ai encore quelques-uns, dont celui de Monseigneur Taché : Esquisse sur le Nord-Ouest de l’Amérique, 2e édition de 1901. Mais je me demande si je ne vous l’ai déjà dit. Peut-être que je me répète, comme tous ceux qui vieillissent.
En ce qui regarde mon grand-oncle le sénateur Larivière, je vous signale qu’il s’appelait Alphonse-Alfred, et non pas Alphonse-Alexandre. Son nom en entier, d’après les documents officiels :
Alphone-Alfred Clément-Larivière.
Le « Clément » serait nom de famille, et non pas un prénom, comme je l’ai cru longtemps.
Mes meilleurs vœux de Noël et de Bonne année. J’espère toujours me rendre à Saint-Boniface et Saint-Pierre en juin prochain, et je ne manquerai pas alors de vous aller voir.
Sincèrement à vous,
Lettre 10
FHB 298/047/011
Mlle Marie-Anna A. Roy,
Centre d’accueil
2520, chemin Ste-Foy, Québec 10
Le 7 septembre 1971
Mademoiselle,
Je regrette de n’avoir pu vous répondre plus tôt, me trouvant absent à l’arrivée de votre dernière lettre.
Je croyais vous avoir remercié des deux ouvrages mentionnés dans votre dernière, et je m’excuse de n’avoir pas accusé réception.
J’ai consacré un article aux Visages du vieux Saint-Boniface, qui n’a pas encore paru. Je verrai à vous le faire tenir, quand son tour viendra. J’avoue que je n’ai pas cru opportun de revenir sur votre Valcourt remanié, car je crois comprendre qu’il n’est pas en librairie.
Vous devez être rendue à Québec et c’est à votre nouvelle adresse que j’envoie ma lettre. Je croyais pouvoir me rendre à Saint-Boniface cet été, mais il y a toujours quelque chose qui accroche. Auriez-vous sur lui quelques notes biographiques? Pourriez-vous me fournir son adresse? De lui, je ne sais rien de rien, si ce n’est les titres de deux ouvrages.
Veuillez croire à mes sentiments les meilleurs.
Lettre 11
FHB 298/047/011
Le 6 janvier 1973
Mlle Marie-Anna Roy
1225, avenue Seymour
Montréal 25
Mademoiselle,
Je vous remercie de vos bons vœux pour 1973, et vous adresse les miens. Surtout ceux qui ont trait à la santé, car c’est là, toujours, notre bien le plus précieux.
Ceci pour vous dire que j’ai été très malade en juillet dernier : thrombose agrémentée d’infarctus, ce qui se dola par trois semaines à l’hôpital. En plus, je suis condamné à vivre au ralenti. Je puis écrire, mais tout travail physique m’est interdit. Je suis à peu près de votre âge, mais me voilà vieux tout à coup. Je vous envie votre bonne santé.
J’ai été un peu surpris d’apprendre que vous étiez rendue à Montréal, car je croyais que vous aviez voulu vous rapprocher de Gabrielle. Je suppose que, pour maintes raisons que j’ignore, la métropole vous convient mieux, et je vous y souhaite le plus agréable des séjours.
Je vous inclus les notes sur le sénateur Larivière, à l’intention du Père Déziel, que je ne connais pas. Vous voudrez bien les lui remettre de ma part. Je serais curieux de voir son texte sur le sénateur, même avant publication. Je pourrais peut-être m’y corrige moi-même, à l’occasion. Car l’on apprend un peu chaque jour.
Il va sans dire que je vous remercie de la quatrième partie de vos Reflets, que je n’ai pas encore eu le temps de parcourir.
Veuillez croire à mes sentiments les meilleurs,
Lettre 12
FHB 298/047/011
Le 20 décembre 1973
Mademoiselle,
Il n’y aura plus de billets de l’Illettré. Celui-ci l’est plus que jamais. J’ai en effet été malade : deux crises cardiaques en six mois, qui m’ont gardé à l’hiver à l’hôpital, pendant huit semaines, à Saint-Hyacinthe et à Montréal. Cela va mieux, physiquement parlant, mais le reste ne vaut pas cher. Je suis incapable d’écrire dix lignes, et il faudra m’excuser d’écrire à la machine. C’est à peine si j’arrive à écrire mon nom à la main, et il n’y a pas longtemps. Je traîne ainsi depuis février dernier, sans pouvoir reprendre mes sens. Il faut que ma femme fasse tout pour moi, jusqu’à signer mes chèques avec une procuration et conduire ma voiture. Je ne trouve pas d’éditeur depuis longtemps, moi non plus. Je n’écris pas encore assez mal en français et n’ai pas de goût pour le joual.
Veuillez croire à mes meilleurs vœux, auxquels se joint mon épouse, pour la Noël et la Nouvelle année.
Sincèrement à vous,
Lettre 13
FHB 298/047/011
Le 19 décembre 1974
Mademoiselle,
Je vous remercie de vos bons souhaits. Je vous transmets les miens, ou les nôtres avec un peu de retard. Comme d’habitude. Je suis toujours en retard.
J’ai été très malade : deux crises cardiaques, l’une après l’autre, qui m’ont tenu à l’hôpital pendant des mois.
Je n’écris rien, j’ai toutes les misères du monde à me tenir debout. Je suis devenu tout à fait sourd et n’entends rien de la télévision. Je me suis procuré un appareil auditif, mais cela ne vaut rien. Malgré ce qu’on en dit. Par bonheur que je puis lire et j’en profite.
Je vous trouve bien heureuse de pouvoir travailler dans vos loisirs.
Mes amitiés les meilleurs,
1 Lettre à Éva Sénécal
FHB 298/047/012
Le 27 septembre 1932
Mlle Eva Sénécal,
La Patrie.
Mademoiselle,
Vous me pardonnerez mon retard à vous répondre. J’arrive des bois, où j’ai passé dix jours, et j’ai toutes les peines du à mettre mes affaires à jour.
Il va sans dire que votre lettre m’a fait plaisir. Nous attendons tous avec impatience l’arrivée de ce tigre bleu. Ma maison est remplie de femmes, grandes et petites, qui adorent les chats, et je ne les déteste pas moi-même. Je leur pardonne volontiers, en raison de leur grâce, de leur souplesse, de leurs câlineries, leur hypocrisie et leur égoïsme calculé. Je parle ici des chats en général. Il va sans dire que le vôtre échappe à la règle commune, et qu’il sera la perfection féline sur terre.
Je n’ai pas ici les volumes promis. Mais je vous les ferai adresser à la première occasion.
Vous voudrez bien me rappeler au souvenir de votre famille. Veuillez croire que je garde le meilleur souvenir de La Patrie.
Sincèrement à vous,