CORRESPONDANCE CHOISIE AVEC LES AUTORITÉS RELIGIEUSES

AUTORITÉS RELIGIEUSES
Courchesne, Mgr, 1932, 1 lettre
Desranleau, Mgr, 1941, 1 lettre
Roy, Camille, 1931, 2 lettres
Villeuve, Mgr, 1932, 1 lettre

1 Lettre à Mgr Georges Courchesne

Le 21 décembre 1932

S.E. Mgr Courchesne
Évêque de Rimouski
Rimouski

Monseigneur,

Le Père Archambault m’a remis votre article pour publication dans L’Action nationale, et je tiens à vous en remercier.

Me permettriez-vous, puisque nous en sommes sur ce sujet de l’Action nationale, de vous soumettre quelques idées et quelques points de vue? Vous savez comme moi le programme général de notre revue. Il tient dans ces deux mots : catholique et canadien français. La revue continuera en somme le travail de l’ancienne Action Canadienne française, et cela est très bien. Je me demande, toutefois, s’il n’y aurait pas lieu aujourd’hui d’élargir un peu les cadres que d’aucuns trouvèrent jadis restreints, et de tenir compte de l’évolution et de la marche des idées, depuis une quinzaine d’années.

Sans doute, nous accorderons toute l’attention nécessaire aux droits constitutionnels de notre peuple, à la défense du français dans tous les domaines, mais je crois que notre action devrait aller plus loin. Il me semble que l’époque est toute désignée pour que nous nous occupions sérieusement des grands problèmes économiques et sociaux qui confrontent notre pays; il me semble aussi que nous devrions accorder une attention plus grande aux problèmes que suscitent pour les nôtres des domaines aussi importants que ceux des sciences, des arts, des lettres. Non seulement il faudrait faire respecter partout nos droits, mais il faudrait aussi prôner l’excellent travail que font, dans des milieux spéciaux, les gens de notre race.

La revue s’occupera nécessairement de politique, mais de politique supérieure. Ne serait-il pas opportun, à l’occasion, de solliciter la collaboration des politiques les plus sérieux, ce qui permettrait l’exposition de doctrines souvent mal définies, ou inexistantes? Telle collaboration serait nécessairement surveillée par le comité de direction.

Je vous expose ici, en bref, ce que je pense qu’une revue sérieuse doit être chez nous, en 1932. J’aimerais bien avoir sur le tout votre opinion, afin de pouvoir connaître jusqu’à quel point je me trompe. Comme j’ai accepté la direction de la revue, les responsabilités retomberont sur moi, et je vous avoue que j’aimerais bien, dans la mesure du possible, partir du bon pied. C’est pourquoi je me permets de vous importuner comme je fais, sollicitation votre avis, et même les directives qu’il vous plairait de m’adresser. Il va sans dire que cette lettre est confidentielle, et que votre réponse n’a pas besoin d’être officielle. Dites-moi simplement votre opinion, comme vous avez fait en 1927, sur tant de sujets, lors de ce beau voyage dans l’Ouest.

Je vous remercie d’avance de votre attention, et vous demanderais de m’adresser votre réponse avant très longtemps, s’il vous est possible. La première livraison de l’Action nationale paraîtra à la mi-janvier, et cela me rendrait grand service de connaître votre opinion avant d’affronter le public.

Veuillez croire à mon meilleur souvenir,

La correspondance touchant la rédaction peut être
adressée à M. Harry Bernard, Saint-Hyacinthe, P.Q.

2 Lettres à Mgr Camille Roy

Lettre 1
FHB 298/010/01]

Lettre du 17 février 1931 [commentée par Alfred DesRochers]

Mgr Camille Roy
a/s L’enseignement secondaire
Québec

Monseigneur,

J’ai pour habitude de ne jamais répondre à mes critiques, sinon pour les remercier de leur bienveillance, ou de leur sévérité. Car l’une et l’autre peuvent être fécondes.

Vous me permettrez toutefois, après l’étude que vous avez consacrée à mon roman La Ferme des Pins, dans la dernière livraison de L’Enseignement secondaire, de déroger à la règle que je m’étais imposée. L’attention dont vous avez honoré mon livre, et le caractère de la revue ù votre étude fut publiée, suffisent, je crois, à justifier ma nouvelle ligne de conduite.

Je n’entreprendrai pas de défendre mon livre dans toutes ses parties, ni d’infirmer les jugements que vous avez prononcés à son endroit. Vous avez droit à vos opinions, comme moi aux miennes. Je me demande toutefois si quelques-unes de vos affirmations ne sont pas un peu trop catégoriques, et si elles ne s’accommoderaient pas d’un correctif?

Sans entrer dans le détail, je note que vous considérez La Ferme des pins comme un livre fait trop vite, mal composé, présentant des situations et des personnages invraisemblables, et par surcroît sauré de mauvais français. Voilà qui est presque rien, comme dirait l’auteur, Je ne saurais douter, Monseigneur, je votre compétence en ces matières, mais je ne suis pas loin de penser, en l’occurrence, que votre opinion était quelque peu préjugée, ou que vous n’avez pas très bien compris le point de vue que j’envisageais, en écrivant mon livre.

[note olographe d’Alfred DesRochers concernant les 2 dernières lignes : Ça, ce n’est pas ton affaire]

D’abord, je ne crois pas que vous ayez le droit de m’accuser d’avoir écrit mon livre trop vite. Sans vouloir nier votre clairvoyance, je suis en mesure de dire que vous ne savez absolument rien, pour la bonne raison que je vous ai pas mis dans mes confidences, du temps que j’ai consacré à la préparation et à la rédaction de La Ferme des pins. Le fait que j’ai publié ce livre un an après mes Essais critiques, ne signifie pas nécessairement que j’ai bâclé le roman en six ou en douze mois. D’ailleurs, je ne sache pas qu’on juge un ouvrage d’après le temps que l’auteur a mis à l’écrire. L’histoire littéraire, que vous connaissez aussi bien que moi, cite nombre d’écrivains qui, après avoir préparé et médité un livre pendant des années, ne mirent que quelques mois à l’écrire. Je ne veux nullement faire de comparaisons prétentieuses. Mais je voudrais qu’on en finisse une fois pour toutes avec cette légende, que l’on est en train d’accréditer dans ce pays, qu’un homme n’est pas capable de faire un livre dans un laps de temps relativement court, sans que ce livre soit nécessairement inférieur.

Je passe au deuxième point : mon livre est-il si mal composé? Ici encore, je me garderai de faire un plaidoyer de justification. Mais je tiens à dire, quoi que vous en puissiez penser, que le roman La Ferme des pins, tel que publié, fut composé d’après une technique fort bien raisonnée, et sur laquelle je me flatte d’avoir des données précises. Le livre, dans deux ou trois de ses parties, procède de la méthode que je voudrais dire de « rétrospection », fort en honneur chez les romanciers contemporains. Sans doute, les hommes nourris des romans psychologiques genre Bourget, peuvent se trouver désorientés par une telle manière de procéder. Il ne s’ensuit pas de là que la méthode soit à condamner. Et je crois téméraire d’affirmer, dès qu’un écrivain s’écarte des principes qui faisaient florès vers 1890, que cet écrivain ne sait pas son métier, ou ne se soucie pas de travailler consciencieusement. Il est possible que La Ferme des pins ne vous plaise que peu. Cela ne vous justifie pas de dire, dans une revue importante, qui circule surtout parmi les professeurs de collège ou d’université, que ce roman est mal construit. Je tiens même à dire, pour rétablir l’équilibre, que le roman a été composé avec soin, mais dans le sens que je me proposais, d’après des principes qui peut-être ne s’accordent nullement avec la conception que vous pouvez avoir d’un roman bien construit. Il y a là une question de points de vue, qu’il me paraît injuste de méconnaître.

[ajout olographe d’Alfred DesRochers pour les 7 dernières lignes: Si les gens sont trop bêtes pour s’en apercevoir, qu’ils (ou qu’elles) aillent au diable]

Passons à l’invraisemblance des situations et des caractères. Mon livre, à date, a été diversement apprécié, par les uns et par les autres. Il reste pourtant un fait, sur lequel vous permettrez que j’attire votre attention : c’est que les lecteurs des Cantons de l’Est, familiers avec le pays dont je parle, et l’histoire de ce pays, acceptent mon affabulation comme logique, vraisemblable, et conforme à la vérité psychologique. J’ajoute que plusieurs Anglais cultivés, qui prirent connaissance de l’ouvrage sur ma demande, dans le texte français, se dirent très satisfaits et corroborèrent l’opinion de mes amis canadiens des Cantons. Je pourrai vous faire venir là-dessus, au besoin, des témoignages significatifs.

Toujours au chapitre de l’invraisemblance, vous me reprochez par exemple la conversation entre mon héros, le vieux Robertson, et Miss Parker. Je vous cite : « Ce qui paraît étrange dans la Ferme des pins, c’est que le vieux Robertson, même quand il est sensé causer en anglais, par exemple avec Miss Parker, s’exprime toujours en langue française populaire. C’est une autre distraction de M. Bernard, et qui est attribuable à son goût immodéré pour la transposition du langage incorrect et parfois trivial du peuple dans la littérature. »

Vous supposez donc, si je vous comprends bien, que Robertson été Miss Parker, causant ensemble, doivent le faire en anglais. Et pourquoi? Dans mon idée, quand j’écrivis le chapitre de Miss Parker, les deux personnages conversaient en français, et le vieux fermier avait dans la bouche son langage habituel. Si vous tenez à la vraisemblance, je vous dirai qu’on homme comme Robertson, mêlé aux Canadiens français depuis quelque trente ans, et une vieille demoiselle comme Miss Parker, Anglaise jusqu’au bout des ongles et demeurant dans le même milieu français, pouvaient fort bien parler français entre eux. Cette situation, qui peut paraître étrange à premier vue, se rencontre fréquemment dans no Cantons. J’en ai été le témoin, à maintes reprises. Je vous prie de croire que je parle ici de choses que je connais, et non que j’invente. Dans le domaine des faits, par exemple, je sais entre autres une Irlandaise élevée dans les Cantons, familière avec le français, et qui a épousé un Canadien français; cette jeune femme, dans son intérieur, parle toujours français, à tel point que son enfant, déjà grand, ignore à peu près tout de l’anglais. Pourtant, le mari de cette femme sait parfaitement l’anglais et rien ne serait plus facile que d’employer cette langue à la maison. Mais la jeune femme en question, vivant dans une localité presque exclusivement française, est tellement saturée de français qu’elle en oublie de parler sa propre langue. Voilà un cas où l’influence du milieu compte pour quelque chose. Dans le même ordre d’idée, je connais une autre Irlandaise, une vieille femme celle-là, dans le comté de Missisquoi, qui parle toujours français avec ses frères et ses sœurs. Pourtant, la langue maternelle de ces gens est l’anglais. Je pourrais, le cas échéant, vous trouver d’autres exemples.

[Commentaire de DesRochers, en marge : Ici, je trouve que Mgr a raison. Je m’expliquerais un dialogue français chez un être ordinaire, mais non chez Robertson. Tu peux avoir entendu cela, mais pas dans la bouche du prototype de Robertson ».]

Vous me reprochez encore le langage des enfants de Robertson, parce que je l’ai voulu plus châtié que celui du père. Permettez que je vous cite de nouveau : « Il [Robertson] emploie ce parler populaire avec ses fils, paysans comme lui; et ses fils lui répondent en une langue impeccable. Pourquoi cette différence arbitraire? Quand on a plusieurs paysans dans un roman ils devraient tous parler la même langue. » Ici encore, ne vous en déplaise, j’ai bien peur d’avoir pour moi la vraisemblance et la vérité. C’est un fait, dans nos campagnes, que les hommes de vingt et de trente ans parlent un français plus pur que leurs pères. Personnellement, je n’y puis rien. Nous avons là le résultat d’un enseignement plus poussé qu’autrefois. Je me rappelle, quand je fréquentais l’école dans mon vieux village d’Upton, que les frères nous enseignaient à dire salopettes au lieu d’overalls, voie ferrée au lieu de track, se sauver au lieu de chenailler, grosses chaussures au lieu de botterleaux, etc. De telles leçons n’ont pas été sans fruits. Et il m’a été donné, à moi qui connais sur le bout du doigt le pays où j’ai situé mon dernier roman, de constater souvent les effets de telles leçons. C’est pourquoi, en campant les fils de Robertson, j’ai tenu, pour qu’ils soient conformes à la vérité, à ce qu’ils parlent moins mal que leur père.

[Commentaire de DesRochers, en marge : Très bien ce passage!]

Ma lettre est très longue, mais je ne puis pourtant y mettre fin sans examiner quelques-unes de vos remarques, à propos de mon mauvais français. J’admets avec vous, tout de suite, que mon roman n’est pas une œuvre parfaite. Vous savez comme il est difficile d’écrire une langue passable, même quand on s’y applique. Tout de même, nombre de termes que vous me reprochez s’expliquent, à mon avis, par le sens imagé que j’ai voulu leur donner. Ainsi quand je parle de la rivière qui « se cabre », du rapide qui « obstrue » cette même rivière, etc. S’il vous était donné de voir la rivière dont il s’agit, à certains endroits déterminés, vous admettriez peut-être que le mot « cabrer » n’est pas si impropre, en voyant l’eau déchaînée se ruer contre un rocher et jaillir à angle droit. J’en dis autant du mot « obstruer », par rapport au rapide décrit, formé de roches de toutes formes et de toutes grosseurs, qui donnent absolument l’impression d’obstruer le cours d’eau.

[Commentaire de DesRochers, en marge : Ça, c’est des choses qu’il faut dire; mais il ne faut pas que ce soit Bernard qui les dise.]

Je n’aurai pas le mauvais goût, Monseigneur, de relever toutes les impropriétés ou les distractions grammaticales dont vous me faites grief. Ce serait inopportun et assez inutile. J’insisterai pourtant sur un dernier point, en vous citant une troisième fois. Vous écrivez : « Mais c’est à coup sûr une pendable distraction qui a fait écrire et répéter à la page 105 : On est finis… on est finis… Si on reste, on est tassés dans les coins, étouffés…@ Pourquoi l’auteur n’a-t-il donc pas écrit : Si on restent? Ici encore, je me demande jusqu’à quel point je suis dans l’erreur, et jusqu’à quel point vous ne l’êtes pas? Quand les gens du peuple disent : nous autres, on est des « malchanceux », on est des « magannés », on est des « bons à rien » n’indiquent-ils pas clairement que le « on » comporte pour eux une idée de pluriel, et que l’attribut de « on », en pareil cas, doit être au pluriel? D’ailleurs, ne dit-on pas : « On est égaux devant la loi » et non pas : « On est égal devant la loi », comme votre raisonnement nous amènerait à écrire? Si je ne me trompe, je crois qu’il existe à ce propos une règle de grammaire fort précise. Et je viens justement de découvrir, dans L’Homme traqué de Francis Carco, grand prix de l’Académie française en 1922, une phrase aussi caractéristique que celle-ci : « On est faits ». Vous me direz que cela se trouve dans la bouche d’un personnage de Carco. Je vous répondrai que les « on est finis, on est tassés, on est étouffés » que vous me reprochez sans ménagements, sont dans la bouche de Robertson, l’un des personnages de La Ferme des pins.

Cette lettre est volumineuse, Monseigneur, et je m’en excuse. Mais c’est un peu votre faute, puisque votre étude de La Ferme des pins ne comprenait pas moins de onze pages de L’Enseignement secondaire, et qu’il m’a fallu, pour vous dire un peu clairement ce que je pensais, sur tous les principaux points soulevés, noircir moi-même pas mal de papier blanc. J’espère maintenant que vous voudrez bien, en toute honnêteté pour moi, comme pour vos lecteurs de L’Enseignement secondaire, donner à ma lettre une publicité au moins égale à celle que reçut votre étude, et dans la même publication. Cela ne serait que pure justice.

[Commentaire de DesRochers, en marge : Non! Non!]

Je vous remercie encore une fois de l’intérêt que vous avez accordé, jusqu’à ce jour, à mon œuvre littéraire, et vous prie de croire, comme dans le passé, à mes sentiments les meilleurs.

Lettre 2
FHB 298/010/01]

Le 23 février 1931

Mgr Camille Roy
a/s L’Enseignement secondaire
Québec

Monseigneur,

Je me demande, après coup, si j’ai bien fait de vous demander de publier dans L’Enseignement secondaire, la lettre que je vous adressais en date du 17 courant?

Je viens de discuter assez longuement, avec un de mes amis, la lettre en question. Et nous avons un peu conclu, tous les deux, qu’il vaudrait mieux ne pas la porter à la connaissance du public. Il est possible que je n’aie pas assez tenu compte en vous demandant de la faire insérer dans L’Enseignement secondaire, du nom de son destinataire.

En conséquence, Monseigneur, je vous demanderais de ne pas donner suite à ma demande de publication. J’écris ce jour-même à M. Lefrançois, pour l’avertir de ce nouveau développement et lui demander de ne pas insérer.

Veuillez me croire,

Votre tout dévoué,

1 Lettre à Mgr Desranleau

FHB 298/043/003

Le 12 mars 1941

S.E. Mgr Philippe Desranleau
Évêque de Sherbrooke
Sherbrooke

Excellence,

J’ai pris connaissance de la lettre de M. Alfred Charpentier, président de la Confédération des Travailleurs Catholiques du Canada Inc., à vous adressée en date du 3 mars, et je vous remercie de m’en avoir communiqué la teneur.

En marge des raisons et arguments soumis par M. Charpentier, je répondrais ce qui suit :

1. Le soussigné n’est pas plus que d’autres le porte-parole des hebdomadaires de la province, dans l’opposition de ceux-ci à l’application du contrat collectif, des métiers de l’imprimerie, de Montréal, dans leurs établissements respectifs. L’opposition est due à l’Association des hebdomadaires et la province, et aux membres québéquois de la division Ontario-Québec, de la Canadian Weekly Newpapers Association. Dans l’Association des Hebdos, un comité de défense a été nommé, qui se compose de MM. Jean Lafrenière, Sorel; Gérard Veilleux, Drummondville; Albert Wallot, Valleyfield; Harry Bernard, Saint-Hyacinthe.

2. Les hebdomadaires de la province et leurs directeurs ne se sont jamais opposés; et ils ne sont pas opposés au principe des contrats collectifs, dans les métiers de l’imprimerie.

3. Ils sont opposés seulement à l’application, dans leurs ateliers respectifs, au contrat collectif de Montréal, préparé par les imprimeurs de Montréal, employeurs et employée, en fonction des besoins de Montréal, et non en fonction des besoins des petites villes où sont publiés les hebdomadaires ruraux.

4. Les directeurs des hebdomadaires accepteraient volontiers dans leurs ateliers un contrat collectif préparé en fonction des besoins de leurs ouvriers, mais distinct de celui de Montréal. En d’autres termes, ils acceptent l’idée du contrat collectif, mais s’opposent à l’ingérence des imprimeurs montréalais : patrons ou ouvrier, dans leurs affaires.

5. Si un contrat particulier était accordé aux hebdomadaires, leurs directeurs accepteraient que la surveillance du dit contrat fût confiée au Comité Conjoint des Métiers de l’Imprimerie de Montréal et District, les inspecteurs jugeant et décrétant en fonction de ce contrat particulier, et non en fonction du contrat en vigueur à Montréal.

6. Tout ce qui précède a déjà été soumis et offert, notamment dans un Mémoire de l’Association des hebdomadaires, adressé à l’hon. Premier ministre de la province, et à l’hon. Ministre du Travail, en date du 30 juin 1937, et signé par le Président et cinq directeurs de l’Association sus-dite. Dans ce mémoire, les raisons motivant l’attitude des hebdomadaires sont données en détail.

Pour votre information, Excellence, j’ajuste que les directeurs des hebdomadaires font l’impossible pour assurer à leurs ouvrier des salaires viables et des conditions de travail acceptables, dans les justes limites de leurs moyens. Les ouvriers compagnons reçoivent le salaire minimum de .0,50 sous l’heure, soit $24 par semaine pour 48 heures de travail. Comme ils ont de l’emploi douze mois l’an, de façon générale, ils sont souvent mieux payés que certains ouvriers des grands centres.

Toutes choses qui établissent que les hebdomadaires n’affament pas leurs ouvriers, et détruisent la légende que l’opposition des hebdomadaires au contrat collectif de Montréal est injuste, comme l’écrit M. Charpentier, aux intérêts des ouvriers employés dans les ateliers des hebdomadaires.

J’espère, Excellence, que les renseignements ci-dessus vous éclaireront quelque peu sur la situation des ouvriers dans les ateliers des hebdomadaires de la province, région de Montréal; sur les excellents sentiments des directeurs de ces journaux à l’endroit de leurs employés; sur leur désir de coopérer avec les autorités, en matière syndicale, à la condition de n’être pas eux-mêmes lésés dans leurs droits et revendications légitimes.

Veuillez croire à mes sentiments respectueux et dévoués,

1 Lettre à Mgr Villeneuve

Fonds HB 298-042-017
Montréal, le 21 décembre, 1932

S.E. Mgr R. Villeneuve, O.M.I.
Archevêque de Québec
Québec

Monseigneur,

Vous êtes à peine revenu de Rome que je viens vous importuner. Je m’en excuse, et vous prie de croire que seule la gravité des questions que je vous veux soumettre m’incite à me montrer indiscret.

Tout d’abord, je tiens à vous présenter mes hommages, à l’occasion de votre retour au pays, et j’ose espérer que votre voyage a été excellent.

Vous n’êtes pas sans ignorer, Monseigneur, qu’un groupe d’hommes de la province, dont j’ai l’honneur de faire partie, a décidé la fondation d’une nouvelle revue qui aura pour titre l’Action nationale. Le programme général de cette revue tient en deux mots : catholique et canadien français [sic]. La réalisation complète du programme, toutefois, induira nos directeurs et nos collaborateurs à toucher à tous les sujets qui, à un titre quelconque, peuvent intéresser notre peuple.

Comme j’ai assumé la direction de la revue, je voudrais être bien fixé sur le travail à faire, et sur l’orientation à donner à ce travail. Il va sans dire que la revue sera un organe d’idées, libre de toute attache politique, indépendante des partis. La revue sera essentiellement nationale, mais, à mon sens, elle devra se garder de tomber dans un nationalisme restreint. Il faut, je crois, élargir les cadres. Nous accorderons toute l’attention nécessaire aux droits constitutionnels et aux problèmes linguistiques de notre peuple, mais il ne faut pas, que se borne là notre action. Ne croyez-vous pas avec moi qu’une revue de quelque envergure, s’adressant à l’élite, devrait s’occuper très spécialement des questions sociales et économiques, et partant des grands problèmes d’enseignement, lesquels impliquent immédiatement l’attention à accorder aux lettres, aux arts, aux sciences, etc.? Je crois aussi que la revue devra s’occuper à l’occasion de politique, mais de politique supérieure seulement, sans s’inquiéter des partis ou des hommes. Elle pourrait peut-être, dans le but d’éclairer les esprits et de faire préciser des doctrines assez souvent floues, ou inexistantes, inviter les politiques les plus sérieux à écrire chez elle, à la condition que cette collaboration soit envisagée d’un point de vue élevé. Telle collaboration serait nécessairement surveillée par le comité de direction.

Je prends la liberté de vous exposer ici quelques-unes de mes idées, voulant savoir quelle peut être votre opinion sur le tout? Je ne vous demande rien d’une réponse officielle, mais voudrais simplement savoir si, à votre point de vue, je pense juste ou faux. Comme je vous l’ai dit précédemment, la responsabilité de la revue retombe sur moi, et je voudrais bien, avant d’affronter le public, partir du bon pied. Vous me donneriez votre opinion, et même des directives, du seul point de vue personnel.

Il va sans dire que vous êtes très pris, mais pourriez-vous faire l’impossible pour me donner une réponse avant très longtemps? C’est que la première livraison de la revue paraîtra à la mi-janvier, et votre avis me serait précieux pour la présentation au lecteur. Il est bien entendu que je n’utiliserai pas votre nom, et qu’il ne sera fait aucune allusion à notre correspondance.

Je vous écris tout simplement, comme autrefois, journaliste à mes débuts, je sollicitais parfois votre opinion sur un problème du moment, quand vous veniez au Droit causer avec les rédacteurs du journal.

Je vous remercie d’avance, Monseigneur, de votre bienveillante attention, et vous prie de croire, comme toujours, à mes meilleurs sentiments.